Réalité alternative, éléphant & point de vue
Aréna, Montpellier 14 décembre 2022
Pour ce nouveau shooting de la tournée « Révalité » de Matthieu Chedid à l’Aréna de Montpellier, je souhaitais éviter la redite, trouver un autre point de vue afin de ne pas tourner en rond. Plusieurs concerts d’affilé du chanteur, et des petites habitudes qui commencent à se créer. L’Aréna de Montpellier offre des perspectives, mais pas un nombre infini. L’avantage de connaitre l’artiste permet d’arriver plus tôt, vers 16h00, de se balader à la recherche d’une idée de génie…. L’Aréna de Montpellier vide, c’est froid. Alors, je déambule lors des balances afin de trouver l’endroit où ce soir, je pourrai essayer de sortir une photo intéressante. 18h00, Matthieu monte sur la petite scène centrale qui sera au milieu du public pour son duo et répète. Il y a toujours un côté hypnotique à se les geler seul au milieu de milliers de sièges vides tout en regardant l’artiste faire sa balance. Assis au milieu de ces sièges, à mon grand désarroi, aucune idée intéressante ne me traverse. L’assise est inconfortable, ma position aussi, je tente de me réchauffer avec un café. En penchant la tête en arrière, je me mets à compter tous les trous des grilles du plafond de l’Aréna et une idée me vient : «y’ a quoi là-haut ?».
Pour une personne de la sécurité dans ce type de bâtiment, je suppose que voir arriver un photographe en plein après-midi qui lui demande de monter à 25 mètres de hauteur, sur les grilles techniques histoire de jeter un œil, cela doit être agaçant. Mais il faut le comprendre, il bloque chaque soir, une horde de photographes qui souhaite s’approcher à 10 cm de l’artiste, et là, je lui demande de monter sur le toit à 25 mètres de hauteur. Mon gars de la sécu appelle le chef, qui appelle son chef… Quelques minutes et quelques chefs après, me voilà à 25 mètres du sol, 25 mètres c’est haut, très haut. Les grilles sur lesquelles nous posons les pieds laissent entrevoir beaucoup trop de jour pour un gars convaincu par la gravité. On m’explique que cela supporte un éléphant. Sûrement au cas où un éléphant décide de voir le concert d’en haut. Je ne suis pas rassuré, mais le point de vue est intéressant. On va essayer un shoot en plongée au-dessus de la scène.
Les balances se terminent, repas du soir, l’Aréna ouvre, se remplit, première partie terminée, le show commence et je tente de suivre la playlist sur mon portable, histoire de bien me caler sur le timing. 21h15, sur le petit toit du monde de l’Aréna avec mon gars sûr de la sécu, je cours pour tenter de me retrouver au-dessus de Matthieu. Dans la fosse, en dessous de moi, 8.000 personnes agglutinées ne doivent percevoir que de très loin un quelconque sentiment de solitude. La petite scène apparait, Matthieu y prend place, elle se trouve en plein milieu de la fosse. Ce bain de foule, chaleureux, intense, gargarise des fans heureux de se retrouver à quelques centimètres de leur idole. Si en bas, la foule est compacte, agglutinée, ma réalité n’est pas la même. Je suis seul en haut, je cherche un angle intéressant, des câbles traversent mon champ de vision, il y en a plein le sol, il fait chaud non ? Si moi, j’ai chaud, alors je n’imagine même pas l’éléphant. Je trouve un angle, me cale, shoote, j’ai ma photo.
Aller à un concert pour y faire des photos, c’est tenter de ramener quelque chose d’unique et de représentatif. Souvent on ne sait pas pourquoi on cherche dans une direction, cela semble pertinent. Parfois la réponse apparait au dérushage. Quelques jours après ce concert, devant mon ordi, au milieu du reste, cette photo ressort et je me dis « ça, c’est bien ». Esthétiquement elle me parle, mais c’est en m’éloignant de l’écran que je comprends. En la regardant de loin, on y voit comme un œil. Le public, un iris, la scène, une pupille. Le même œil qui trône sur la pochette du dernier album de –M-. J’aime bien l’idée que quelque chose m’a poussé à monter là-haut pour la trouver. C’est un peu capillotracté, on s’éloigne de toute notion cartésienne, mais ça donne un sens à ce shooting. Parce que pour tout vous dire, à un moment, l’éléphant et moi, on s’est quand même demandé ce qu’on était venu faire dans cette galère.