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CYRIL MASSON – Interview

Créateur du Studio White + Black no Milk no Sugar et collaborateur privilégié des campagnes Nike, le photographe français Cyril Masson s’impose également comme un as de la réalisation de formats courts. Ce trentenaire installé à Paris a plus d’un tour dans son sac lorsqu‘il s’agit de shooter les sportifs ou les célébrités. Interview.

Cyril, pour commencer, pouvez-vous nous dresser votre fiche d’identité et nous retracer votre parcours ? Je suis photographe et réalisateur, j’ai 34 ans et je vis à Paris. J’ai d’abord commencé par la photo il y a 10 ans et je suis ensuite venu à la réalisation vidéo il y a environ 2 ans. La photo était ma première passion, mais j’ai toujours été attiré par le format vidéo qui permet de raconter les histoires différemment, de façon moins résumée, sans la nécessité d’avoir tout dans une seule et même image.

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Racontez nous comment vous avez débuté la photo… J’ai commencé à m’intéresser à la photo à l’âge de 15 ans, grâce à mon voisin, Jean Dumez, qui était professeur aux Gobelins de tirage photo et Meilleur Ouvrier de France Photographe. Il m’a appris la rigueur et la patience que nécessite le tirage Noir & Blanc. Cet enseignement m’a beaucoup servi par la suite, en retouche photo, pour être efficace et éviter de partir dans toutes les directions, comme beaucoup ont malheureusement tendance à le faire. Quand vous passez beaucoup de temps dans le noir avec les odeurs de chimie, vous apprenez à penser à votre image avant d’attaquer.

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Vous êtes également film director… Oui j’ai toujours voulu faire de la vidéo, le medium m’intéresse beaucoup, et de plus en plus aujourd’hui avec les options d’interactivité qu’il apporte. Les possibilités sont immenses : l’an dernier par exemple nous avons réalisé avec nos amis de Casus Belli des films interactifs pour la maque L’Or Espresso, l’idée était de jouer avec les différents sens que l’on pouvait exploiter à travers un iPad ou un PC. Il y avait un film où vous pouviez souffler dans votre micro et un tourbillon de milliers de petits papiers s’envolait autour d’un danseur qui continuait sa marche lancinante. Plus vous souffliez fort, plus les papiers s’envolaient. Contrairement à beaucoup de vidéastes, je suis plus intéressé par le format court que par le long, c’est probablement dû à mes origines photographiques.

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Pas mal de photographes rêveraient de travailler avec Nike. Comment s’est nouée cette collaboration avec une telle marque ? Est-il difficile d’imposer ses idées ? Ma collaboration avec Nike a commencé en 2005. Je suis entré par la petite porte, en faisant des photos de packshots sur fond blanc. Sauf que je m’imposais, avec une rigueur absolue, une qualité et une rapidité de service incomparables. Ils me déposaient les produits le soir, je les shootais dans la nuit, les retouchais dans la foulée et ils avaient les visuels retouchés le lendemain matin en arrivant au bureau, là où il leur fallait parfois 3 semaines pour avoir le même résultat. Cette rigueur a fini par payer : un jour Ronaldinho a été élu ballon d’or et il leur fallait un visuel pour le lendemain matin. Ils ont cherché qui pouvait leur fournir un résultat de qualité aussi rapide et ils ont pensé à moi. Ils m’ont appelé puis sont venus chez moi à 23h30 avec des pizzas, on a trouvé l’idée vers 4h du matin et la pub était prête avant 8h pour être diffusée aux médias. C’était le début d’une collaboration assez unique, puisqu’à travers STUDIO WHITE, notre société de production, nous réalisons chaque année environ 130 projets pour NIKE depuis 2005.

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Justement, le sportif est-il un modèle particulier ? Oui la photo de sport est très exigeante, car l’agenda des sportifs est très chargé. On a donc très peu de temps pour sortir l’image. La plupart du temps avec Nike, j’ai environ 10min avec l’athlète (ou le groupe d’athlètes) pour shooter, même quand il s’agit de campagnes importantes. Vous devez donc être prêt et savoir créer instantanément le contexte de la photo avec l’athlète, gagner sa confiance en quelques secondes pour travailler avec lui dans de bonnes conditions. C’est parfois un peu frustrant, car on aimerait avoir le temps de faire mieux, mais c’est aussi ce qui est excitant : chaque shoot est un nouveau challenge. Les équipes de Nike mettent à chaque fois en place toute une série d’activations médias et réseaux sociaux très élaborée, ce qui fait que vous n’avez pas le droit à l’erreur : tout leur travail repose sur vos épaules et sur ce que vous arriverez à sortir des 10min que vous allez passer avec l’athlète. Et puis c’est aussi ce qui nous protège de la concurrence : savoir faire mieux ou aussi bien que d’autres mais en 10min, là où d’autres mettraient quelques heures.

Vous avez aussi shooté l’actrice Bérénice Marlohe. Aimeriez- vous réaliser davantage de séries sur les célébrités du cinéma ? Oui j’aimerais beaucoup. A vrai dire, c’était ma première envie quand je suis venu à la photo. J’étais très inspiré par les photos de Mark Seliger, de David LaChapelle ou encore de Peter Lindbergh. C’est ce qui m’intéresse le plus dans la photo : se réapproprier l’univers d’un personnage ou d’une marque.

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De nombreuses séries personnelles concernent vos voyages en Inde et à Cuba. Ce sont deux pays qui vous ont particulièrement marqué ? Quels sont vos plus beaux souvenirs de photographe ? Dans mes séries personnelles, ce qui m’intéresse, c’est d’aller à la rencontre des gens, et de me prêter à un exercice qui va presque à l’encontre de ce que je fais quotidiennement avec la photographie publicitaire, où je passe mon temps à construire les images, alors que là je les reçois. Pour les photographes, l’Inde est un pays incroyable, la beauté et la grâce sont partout, les contrastes y sont tellement prononcés que vous passez votre temps à faire des choix. Je crois que mon plus beau souvenir est dans un train entre Jaïpur et Jodhpur. Le vent filait à travers les grilles de la fenêtre sans vitres, les paysages défilaient, et c’est un de ces rares moments où vous ne souhaiteriez être nulle part ailleurs sur la planète.

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Vous êtes le cofondateur du studio White + Black no Milk no Sugar. Racontez-nous la naissance et l’activité de la structure…particulièrement la vôtre. Studio White a été créé pour satisfaire les besoins grandissants de nos clients. L’idée était de s’inspirer des hôtels de luxe qui vous fournissent un service irréprochable sans que vous n’ayez à gérer quoi que ce soit. Nous souhaitions offrir le même type de services à nos clients. Peu importe la complexité du projet, nous trouvons une solution pour que ça reste simple et fluide pour eux. Black no Milk no Sugar est arrivé ensuite, Studio White était très connoté « photo », nous avons donc créé son alter-ego dédié à la vidéo. Mon rôle est de superviser toute la partie artistique au sein du studio, tandis que Stéphanie Jalabert, gère toute la partie Production. Nous avons ensuite tout un panel de freelances et d’intermittents, sélectionnés pour leurs compétences et leur engagement qui viennent nous épauler en fonction des besoins de chaque projet.

On parle régulièrement de l’utilisation abusive des logiciels de retouche photo, notamment dans le milieu de la mode. Quel est votre point de vue sur ce sujet ? J’ai commencé la retouche très jeune et j’ai toujours retouché moi-même mes visuels. J’ai, comme tout le monde à cette période, eu tendance au début à aller sur des choses très retouchées, même si mon apprentissage du tirage N&B m’a permis de ne pas partir dans toutes les directions et de prendre un peu de recul sur tout ça. Aujourd’hui, je préfère revenir à des visuels plus authentiques. Néanmoins, je pense qu’il faut assumer que nous sommes en 2014, et que la retouche fait partie intégrante du procédé créatif. Quand je prends une photo, je sais déjà au moment où je déclenche, comment je vais gérer ma retouche, ce qui me permet d’ailleurs de l’anticiper à la prise de vue. Et dans le cas de clients comme Nike, c’est essentiel car il nous arrive très souvent de devoir livrer le visuel retouché dans l’heure qui suit la prise de vue, pour que la marque puisse prendre la parole très rapidement. Je retouche donc sur place avec une station de retouche nomade.

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Les réseaux sociaux, Instagram… ont-ils changé votre métier, votre manière de communiquer ? Oui les réseaux sociaux ont définitivement une influence sur notre métier. L’instantanéité qu’ils apportent, à la fois sur la prise de parole de la marque et sur la réponse du consommateur change la donne. La marque doit communiquer plus vite, plus souvent et de façon différente, en mettant en place un dialogue direct avec ses consos. On doit donc travailler plus vite, en se renouvelant constamment et en étant à l’écoute des consos, si vous passez à côté, la sanction est immédiate. Vous devez aussi vous adapter aux nouveaux formats, qui évoluent tous les jours. Dernièrement, pour le lancement du nouveau maillot extérieur de l’Equipe de France, nous avons par exemple réalisé pour Nike un flipagram, en plus du visuel de marque. L’important est de savoir faire le tri parmi toutes les tendances du web, être parmi les premiers, chercher comment utiliser chaque support de façon optimale pour la marque et ludique pour l’utilisateur. Vous ne pouvez plus le « gaver » de messages, comme la pub avait tendance à le faire avant, vous devez comprendre ses attentes et savoir dialoguer avec lui, car les réseaux lui offrent la possibilité d’avoir un contact direct avec la marque et d’exprimer librement son ressenti. Je pense qu’au final, c’est une chance pour les marques et pour les artistes, ça vous pousse à être toujours meilleur. Il ne faut pas chercher à faire le buzz, les gens sont quotidiennement nourris d’images et de vidéos, et donc de plus en plus experts, ils attendent un contenu de qualité.

Comment étoffez-vous votre culture photographique au quotidien ? Les réseaux sociaux justement sont une source d’inspiration quotidienne. La quantité d’images qu’ils avalent tous les jours est impressionnante et permet souvent de découvrir de nouveaux artistes ou de nouvelles tendances. Je suis aussi quelques blogs et des sites de tendances, mais le temps me manque cruellement pour le faire autant que je le voudrais.

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Quels sont vos projets actuels ? Des prochains voyages ? Le chantier actuel est le développement à l’international, trouver les bons partenaires. Nous avons (pour la France) parmi nos clients quelques-unes des plus belles marques que l’on puisse trouver dans leurs domaines respectifs, donc le nouveau challenge est de se confronter à d’autres cultures, d’autres esthétiques. Pour les voyages, il faut que je trouve le temps, mais j’aimerais beaucoup explorer l’Asie du Sud-Est de façon plus approfondie. La région du Tibet fait aussi partie des envies du moment.

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