Orfèvrerie & madeleine pour quinqua
Il y a quelques jours, je suis allé shooter The Smile au Festival de Nîmes, mais il faut bien se l’avouer, je suis allé shooter Tom Yorke. The Smile, c’est le projet réunissant Thom Yorke et Jonny Greenwood, respectivement chanteur et guitariste du légendaire groupe Radiohead, et le batteur Tom Skinner, sous l’égide du réalisateur Nigel Godrich.
Radiohead est, à mon avis, une bonne partie de ce qui restera musicalement lorsque les vocodeurs, PNL & les artistes fun radio auront savamment détruit ce que la musique moderne a mis des décennies à construire. Radiohead a construit une carrière d’une intégrité musicale exemplaire, ne cédant à aucune sirène, explorant musicalement des contrées jusque-là inconnues, rendant sa musique complexe digeste pour le plus grand nombre. Pas de buzz, de coups médiatiques, de vocodeurs, rien de clinquant mais de l’artisanat musical, de l’orfèvrerie. Une identité musicale, graphique qui force le respect.
OK Computer, Kid A, The Bends restent des perles musicales inégalées. Alors bien sûr, lorsque l’on va shooter ce type de musicien, on essaye de saisir un truc. On essaye car si les voix de Dieu sont impénétrables, celle de Tom Yorke aussi.
The Smile sur scène n’a rien à voir avec les grosses machines qui tournent actuellement dans les festivals. Pas de flammes, d’écrans, juste quelques lumières. Juste avant la première partie du groupe, c’est un DJ set que Tom Yorke propose en personne. Assez lunaire, ce DJ set met directement dans l’ambiance des spectateurs conquis d’avance.
La nuit tombe, Tom Yorke arrive sur scène s’assoit, joue, imperméable à ce qui l’entoure, une sorte d’explorateur qui navigue dans un univers onirique, mystérieuxs. Il semble en quête de son et de sens. A l’origine de nombre des mélodies de Radiohead, le piano reste le compagnon privilégié de sa mélancolie spectrale. Je reste fasciné par le personnage et la quasi possession de son interprétation qui tend à éclipser les autres musiciens sur scène.
Il ne semble se dégager de l’artiste aucune compromission, aucune recherche d’approbation de l’auditoire. The Smile déroule ses titres et mon œil reste accroché à Tom Yorke. Madeleine pour quinqua se rappelant au bon souvenir du festin musical des années 90.
Il y a trente ans, au mois de juin 1993, je rentrais dans la salle du Rockstore à Montpellier, un vendredi soir, voir un concert gratuit d’un jeune groupe anglais, alors inconnu : Radiohead. Je me rappelle ma surprise en entendant un nouveau morceau du groupe qui devait sortir quelque temps après, il se nommait « Creep ». Un futur tube devenu un classique ou Tom chantait : « But I’m a creep, I’m a weirdo, What the hell am I doing here ?, I don’t belong here ».
Trente ans après, ce refrain semble toujours aussi bien définir les sentiments qui animent le chanteur.
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