Enfant du nord de la France où il vit toujours avec sa petite tribu, Amose a fait de la région et de la Belgique son terrain de jeu pendant longtemps avant d’exporter son art dans les grandes capitales européennes. Illustration, graphisme, peinture, sérigraphie…. Il s’amuse à varier les techniques et les supports sur lesquels il transforme et décompose le corps humain. Auteur de la nouvelle couverture du magazine et actuellement en résidence dans la banlieue lilloise, il prépare notamment une expo à Chicago et un mur à Bruxelles. Il nous explique tout ça !
Salut Amose, comment ça va à Lille ?
Ça va plutôt pas mal, je viens récemment d’ajouter un troisième petit bonhomme à ma tribu de gosses, c’est assez sport mais j’adore ! Mis à part ça, la vie à Lille est sympa, comme vous le savez c’est pas le grand soleil tous les jours mais bon on est tout près de grandes capitales comme Londres, Bruxelles, Paris ou Amsterdam du coup niveau musique ou expositions ça bouge bien, on n’a pas à se plaindre.
Retrace-nous un peu ton parcours d’artiste…
Mon parcours artistique a commencé en 1996 par des études d’art en section Illustration à l’institut St Luc à Tournai en Belgique. Le diplôme en poche, j’ai embrayé sur 3 ans d’infographie et de graphisme aux Beaux-Arts toujours à Tournai et donc en Belgique, j’adore ce pays ! En 2003, je suis revenu en France. Avec mes potes rencontrés à l’Institut St Luc (Eroné, Spyre, Nada et Sfer), on a alors créé le collectif Mercurocrom avec lequel on a fait des expos, des murs, du graphisme, de l’édition…Ça a duré une dizaine d’années pendant lesquelles chacun gérait aussi ses propres expos à côté du collectif.
En parallèle, de 2006 à 2013, avec Eroné et Spyre, on a créé l’atelier de sérigraphie «La carpe» qui nous permettait d’imprimer nos boulots mais aussi d’imprimer des travaux d’artistes ou de potes dont ont appréciait le travail comme 108, Niark, Nelio, The Pit etc. Après chacun est parti dans des directions différentes, un dans le tatouage, deux ont changé de région et/ou d’occupation, etc. On est restés très potes mais du coup je me suis plus concentré sur mon propre travail. J’ai continué les expos, les murs et la sérigraphie en mode solo et c’est ce que je fais depuis environ 6 ans.
Tu mélanges différentes techniques comme l’illustration, le graphisme, le collage, la peinture…. Comment procèdes-tu de manière générale ? Tu gères tout à la main ?
Oui j’aime bien faire des mélanges. Depuis 2 ans, j’associe mes dessins ou des parties de dessins sérigraphiés à des collages. Plus récemment, au lieu de découper dans mon énorme collection de papiers récupérés, je peins à l’acrylique sur du papier blanc adhésif et ensuite je sérigraphie dessus pour re-découper dedans et re-composer des trucs, je fais ma petite tambouille ! Prochainement, je vais commencer une série de grands formats en bois à la peinture sur lesquels je vais essayer d’apporter des parties en sérigraphie directement sur le support et sur la peinture, on verra ce que cela donne…
Beaucoup de tes créations montrent le corps humain transformé… c’est ta principale source de création ?
Oui ça l’a toujours été mais depuis 2,3 ans je dessine plutôt les membres séparés, un bras, des jambes, ou différentes positions de mains, de pieds, de têtes, etc. Ensuite, je m’amuse à tout assembler afin de faire différents tests. Cela me permet de faire des choses et des essais de postures de corps que je ne trouverais pas en dessinant tout d’un seul coup, j’essaie des trucs, je fais des erreurs, je me surprends, etc. En même temps, cela me permet de m’éloigner un peu du corps humain car à force de le décomposer, de le transformer, je suis arrivé à des résultats d’abstraction qui me plaisent bien et qui me donnent d’autres idées. Je me concentre plus sur une composition de formes, de combinaisons de couleurs, de matières, de juxtapositions de teintes ou de différents papiers…
J’ai vu que tu faisais du collage de papiers imprimés sur des vieux plans d’architectes… ça fait partie de tes récents travaux ?
Non, cela fait pas mal d’années que je dessine ou imprime directement sur de vieux plans d’architectes. J’avais récupéré un gros stock dans un hôpital abandonné à Lyon et à force de m’en servir je suis tombé un peu à court mais depuis 6 mois je m’y suis remis car j’ai à nouveau récupéré un autre stock chez un pote dont le père est architecte et qui faisait du tri, pour mon plus grand bonheur ! D’ailleurs je lance un appel à tous les architectes : si vous ne savez pas quoi faire de vos vieux plans.
Du coup oui cela fait partie de mes récents travaux mais là j’essaie de composer mon image en fonction des tracés sur le plan un peu comme quand je peins sur un mur ou un bâtiment.
Finalement, la peinture de rue et l’architecture sont indissociables…
Oui ! J’aime quand la peinture et le mur se complètent et se mélangent, quand je peins en extérieur j’essaie de me servir des différents éléments ou textures présents sur le mur. J’essaie de prendre en compte le lieu où je peins en me servant des teintes, des fissures, des végétaux, de la saleté…
J’ai lu dans une autre interview que tu peux parler de musique pendant des heures… as-tu justement des projets en lien avec la musique ?
J’aimerais continuer à travailler sur des affiches de concerts en sérigraphie. J’en ai réalisé une en octobre 2017 pour Roméo Elvis quand il est passé au Grand Mix (une salle de concert à Tourcoing près de Lille). Je la vendais à l’entrée de la salle. Les gens ont bien accroché et ça a bien marché. On vit dans une époque où la culture du flyer et de l’affiche de concert se perdent tout doucement, tout passe par internet et du coup je pense que les gens apprécient d’avoir une vraie affiche sur du beau papier épais imprimée en sérigraphie et en tirage limitée. Cela s’appelle la culture du «GIG posters « aux USA, c’est une vraie culture underground de tirages limités créés mais aussi imprimés par des artistes. L’artiste réalise souvent l’affiche d’un groupe qu’il aime, c’est une bonne manière d’allier art graphique et musique. Pour les non connaisseurs, regardez « gig poster « sur votre moteur de recherche vous verrez ce sont des affiches sur lesquelles il n’y a pas de logos, de sponsors…juste groupe, date et lieu, basta !
Tu travailles aussi dans un atelier de sérigraphie, l’atelier 415. Raconte-nous un peu ce projet…
L’atelier 415 c’est un peu pour moi la suite de l’atelier « La Carpe « qu’on avait créé en 2006 avec mes 2 potes Eroné et Spyre. Comme l’atelier La Carpe s’est arrêté, j’ai décidé d’en remonter un tout seul et de m’en servir pour bien sûr imprimer mes travaux personnels mais aussi pour imprimer parfois des artistes dont j’aime le travail ou alors animer des ateliers d’initiation. L’été dernier, j’ai animé un atelier en prison avec des détenu(e)s, ça peut m’arriver en milieu scolaire aussi. Sinon pour les petits curieux le nom 415 vient du fait que mon atelier est situé dans le quartier des 400 maisons à Lille sud et que c’est la porte 15.
Quels sont tes projets et tes bonnes résolutions pour 2019 ? Nouveaux murs, expositions… ?
Je suis actuellement et pour 10 mois en résidence en tant qu’artiste associé dans la ville de St André dans la banlieue de Lille. Ils m’ont mis à disposition un grand atelier pour peindre et pendant l’année j’anime de temps en temps des ateliers avec les différentes structures scolaires de la ville. J’ai une exposition collective à préparer à la galerie Vertical à Chicago, un grand mur à Bruxelles, une commande de tableau, et l’extérieur d’une salle de concert à peindre. J’ai aussi cette semaine (fin janvier) répondu à un appel à projet pour un grand mur à Paris et d’autres choses qui se confirmeront dans l’année.