Formé à milan, capitale du design italien, où il s’est imprégné de la culture du mouvement Memphis et passé chez les plus grandes figures de la création contemporaine, Guillaume Delvigne est aujourd’hui à la tête de son studio de design. Membre fondateur du collectif Dito, il collabore aussi bien avec les industriels de renom qu’avec de petites structures pour imaginer des produits du quotidien ou des pièces plus confidentielles. Interview.
Bonjour Mr Delvigne, pour démarrer, pouvez-vous nous retracer les grandes lignes de votre parcours ?
Après mes études à l’école de design de Nantes, j’ai débuté en 2002 dans une agence Milanaise. J’y suis resté 2 ans, c’est là-bas que j’ai également commencé à travailler sur mes propres projets, au contact d’autres jeunes designers étrangers. Ensuite je suis rentré en France et me suis installé en tant que freelance à Paris. J’ai alors collaboré pendant quelques années avec plusieurs grands designers, tout en développant en parallèle mon travail personnel. C’est en 2011 suite à une série d’évènements que j’ai pu ouvrir mon propre studio.
J’ai lu que vous aviez suivi une formation au Politecnico de Milan, Mecque du design italien.
Que retenez-vous de ces années passées de l’autre côté des Alpes ?
J’en garde un excellent souvenir, ce passage italien a été un tournant pour moi. Le séjour Erasmus m’a d’abord énormément ouvert l’esprit. J’y ai fait de très belles rencontres, à commencer par quelques légendes du design italien. L’histoire du design m’a toujours intéressé, j’étais dans mon élément, la culture design me semble beaucoup plus présente là-bas qu’ici. J’ai alors ressenti le besoin de davantage m’imprégner et j’ai eu envie d’y commencer ma carrière.
Par la suite, vous êtes passé chez George J. Sowden, membre fondateur du mouvement Memphis… Cette expérience a-t-elle influencé votre travail aujourd’hui ? Vous considérez-vous comme un « héritier » de ce mouvement ?
Cette expérience a évidemment influencé mon travail, j’ai appris à regarder autrement ce mouvement qui à l’époque n’était pas encore revenu sur le devant de la scène. C’est surtout à ce moment-là que j’ai découvert le travail de son leader, Ettore Sottsass, et notamment ses dessins qui m’ont marqué à jamais. Cependant je ne me considère pas du tout comme un héritier de ce mouvement, d’autres designers plus radicaux sont à mon sens davantage dans cette lignée.
Comment se déroule la transition entre les agences et la création de son propre studio ?
Pour moi cette transition s’est faite très lentement et naturellement, sur plusieurs années. Il m’a fallu un certain temps pour me sentir prêt mais surtout pour avoir suffisamment de clients. J’ai énormément appris pendant toutes ces années auprès de talentueux designers, à tous les niveaux. Quand Tefal m’a confié un premier projet j’ai alors su que je pouvais me lancer, j’avais la confiance d’un industriel et le soutien financier qui va avec et qui me manquait jusque-là.
Vous collaborez avec différents types de structures comme Tefal ou La Redoute d’un côté et Habitat ou Hartô de l’autre. Ce sont des approches différentes entre les produits destinés au grand public et les petites séries limitées ?
Effectivement le travail est différent quand il s’agit de production industrielle ou de séries à petite échelle. La marge de manœuvre est assez faible quand il s’agit d’une poignée de poêle car l’outil industriel est lourd mais il y a aussi de fortes contraintes quand on doit fabriquer seulement quelques centaines de pièces sans tomber dans un prix prohibitif. En tous cas je mets autant d’énergie à travailler sur l’un ou l‘autre des sujets, ils me passionnent tous deux, l’idée étant d’insuffler le maximum d’âme dans l’objet et qu’il soit le plus beau possible.
En plus de formes singulières, un objet peut avoir plusieurs fonctions. Est-ce cela qui le rend plus « légitime » et qui permet de se l’approprier ?
Je ne sais pas si cela le rend plus légitime mais c’est vrai, je pense que l’on peut se l’approprier sans doute plus facilement dès lors qu’on adopte cette idée de multifonctions. Il devient plus personnel et prend une charge sentimentale plus forte. Attention cela ne marche pas systématiquement, certaines rencontres sont plus hasardeuses que d’autres et les gens ne le comprennent pas forcément.
Pour la conception d’un produit Tefal ou Moulinex par exemple, la fonction demeure prioritaire…
Bien sûr la fonction est prioritaire sur ce type d’objets, qui sont avant tout achetés pour leur fonction. Mais là où le designer est attendu, c’est d’apporter ce petit quelque chose qui fait la différence, n’oublier aucun détail, amener une « écriture » qui fera que le produit se reconnait parmi d’autres.
Vous avez réalisé cette année plusieurs pièces pour la maison française Hermès. Pouvez-vous nous raconter les débuts de cette collaboration et son déroulement ?
La directrice artistique suivait mon travail depuis quelques années. Il y a trois ans elle m’a présenté au directeur de création des objets qui a commencé par me faire plancher sur un projet de vases. La collection Annam est assez rapidement née sous le crayon mais il a fallu beaucoup de temps pour la mettre au point. Ils ont une exigence rare, et prennent peut être plus le temps que d’autres maisons à soigner la qualité de leurs produits. D’autres sujets comme les accessoires de bureau m’ont alors été confiés. C’est une expérience unique que de pouvoir travailler dans ces conditions.
Vous êtes à l’origine de la création du collectif Dito. Comment est né ce projet et comment évolue –t’il ?
Le collectif est né en 2006 à l’initiative de Caroline Ziegler et de Joachim Jirou Najou. J’ai tout de suite rejoint l’équipe constituée d’amis, de collègues freelance, d’anciens camarades d’études. Sans partenaires ni commande nous étions totalement libres et avons sans cesse cherché des manières de travailler à 12 designers sur un même projet. C’est un peu un laboratoire de recherche et une bulle d’air pour nous tous. J’avais participé à une expérience de collectif en Italie avant celle-ci, très importante dans ma construction bien que moins ambitieuse. Dito existe toujours même si nous sommes beaucoup moins nombreux maintenant. Le collectif est amené à se reconstituer mais seulement si un projet intéressant et un peu hors norme se présente.
Quels sont vos projets pour la rentrée ? Serez-vous présent au Salon M&O de Paris ?
A la rentrée on devrait pouvoir trouver en boutique la table et la chaise que j’ai dessinées pour Habitat. L’éditeur La Chance présentera à Londres notre nouvelle collaboration, un grand vase en verre soufflé. A Maison & Objet je serai présent sur le stand d’une grande maison de cristal pour une collection de verres ainsi que chez Bellila qui montrera un projet de lampe étagère. Enfin je prépare actuellement une nouvelle exposition de pièces en série limitée à la ToolsGalerie, là encore résultat d’un an et demi de travail. J’ai hâte de pouvoir dévoiler cette nouvelle recherche.