Le prix Pritzker, considéré comme le nobel de l’architecture, vient d’être remis au jeune architecte Alejandro Araneva le 13 janvier dernier. Une distinction controversée, récompensant un travail innovant et engagé. Le fondateur de l’agence « Elemental » bouscule les codes d’une architecture souvent dominée par les archi-stars, et c’est plutôt une bonne chose. Portrait.
Né en 1967, Alejandro Araneva sévit dans le milieu de l’architecture depuis 2003. Année durant laquelle son nom se fait connaître pour un projet de demi-maisons réalisé à Iquique dans le désert chilien, qui fut pensé pour réduire les coûts, permettre aux habitants de s’approprier les lieux et modifier ou agrandir leur logement à leur guise, en se basant sur la créativité des constructions des bidonvilles. Il renouvellera l’opération en 2010 dans la ville de Constitucion, pour reconstruire, en très peu de temps, cette petite municipalité ravagée par un tsunami et un séisme.
2016 commence donc bien pour celui qui sera le prochain commissaire de la Biennale de Venise cette année, sur le thème « Nouvelles du Front ». Outre une médaille en bronze, le Pritzker décerné par la Fondation Hyatt dote son lauréat d’un chèque de 100 000 dollars, et évidemment, une reconnaissance internationale. Mais cela ne plait pas à tout le monde tant l’architecte remue une discipline ancrée dans ses clichés. En 2015, il se moque des architectes stars qui, sous couvert de contemporanéité, n’utilisent que du verre en façade, transformant leurs édifices en serres géantes, gloutonnes en énergie. Pour l’Université Catholique du Chili, il conçoit alors un bâtiment tout en béton, sculptural et brutaliste, réduisant la facture énergétique de 300%.
Selon Tom Pritzker, président de la fondation Hyatt, « Aravena est un pionnier de la pratique collaborative qui sait produire des architectures pleines de force, mais aussi relever les déf is du XXIe siècle. Innovant et inspirant, il nous montre comment l’architecture, à son meilleur niveau, peut améliorer la vie des gens. Le but premier d’Araneva est donc de stimuler la construction sociale, de casser le cercle vicieux de l’inégalité et surtout de « faire mieux avec les mêmes moyens ».
A l’annonce du résultat, l’architecte a exprimé « Notre plan pour l’avenir est de ne pas avoir de plan », un comble pour un bâtisseur mais qui résume très bien le leitmotiv de ce créatif tourné vers l’humain. Toujours selon Tom Pritzker, le fils du fondateur du prix, « Ses constructions donnent des opportunités économiques aux moins privilégiés, atténuent les effets des catastrophes naturelles, réduisent la consommation d’énergie et procurent des espaces publics accueillants ». On retiendra particulièrement les Tours siamoises érigées en 2005 sur le campus San Joaquin de l’Université Catholique du Chili, à Santiago, la résidence étudiante de la St Edwards University à Austin au Texas ou encore le centre de recherche et d’innovation Anacleto Angelini, toujours sur le campus San Joaquin. Preuve que le studio mène principalement des projets à visée sociale. On peut ajouter le Bicentennial Children’s Park réalisé en 2012 ou la
Ayelén School au Chili érigée en 2014, projets pour les jeunes générations. Plus graphique et sculptural, le point de vue de Las Cruces, posé dans la campagne de Jalisco au Mexique, a été imaginé comme une pierre creusée déposée à flanc de colline et offre un panorama pour les pèlerins et les randonneurs… Plus récemment, Aravena s’est chargé de l’immeuble Novartis, au cœur de Shanghaï mais aussi d’un projet de maison individuelle ultra-contemporaine : la Casa Ocho Quebradas, un bloc de béton futuriste saisissant.
Dans le contexte international actuel, pas de doutes qu’Alejandro Aravena et son studio Elemental auront encore de nombreux projets à proposer pour le monde de demain.