SEB JANIAK UCHRONY PA1E535 CAROLINE KARENINE

SEB JANIAK Interview

Pionnier de la retouche numérique, ancien photographe de mode et réalisateur de clips musicaux, Seb Janiak a pris, en 2000, un virage pour se consacrer à une autre forme de photographie, plus artistique. Sans cesse en phase d’expérimentation et en quête de nouvelles techniques, il développe des séries aussi étonnantes que mystérieuses qui questionnent notre rapport à la science, aux phénomènes physiques et à la nature.

Bonjour Mr Janiak, vous avez été réalisateur de clips et photographe de mode avant de prendre un virage artistique…
J’ai commencé par l’art avec ma série Uchrony en 1988. L’idée était de mettre en évidence qu’une civilisation est éphémère quand on la compare à une échelle de temps géologique qui se chiffre en millions d’années. Par la suite, ce travail a connu un succès international et j’ai très vite commencé à photographier des artistes et à faire des covers d’albums. La réalisation de clip musicaux et la mode est arrivée après. En 2000, j’ai perdu l’usage de mes jambes, mais j’ai refusé cette triste réalité » et j’ai entrepris un voyage initiatique intérieur et extérieur qui m’a permis de récupérer mes jambes après quelques années. Cette quête m’a conforté dans mes intuitions sur la vraie nature de la réalité (je parle de l’univers et de la conscience). Dès lors, les projets commerciaux n’avaient plus aucun attrait et c’est tout naturellement que je suis revenu à l’art.

Vous êtes aujourd’hui un artiste-photographe qui s’intéresse aux phénomènes scientifiques et naturels ?
J’ai la chance d’avoir une sensibilité très intuitive. Parfois je ne comprends pas pourquoi telle idée me fascine… Depuis mon enfance, je me suis posé cette terrible question, pourquoi y a-t-il quelque chose (un ou des univers, des êtres vivants, des plantes) plutôt que rien ! D’où la fascination à comprendre la réalité qui nous entoure et comment elle fonctionne, et cela à toutes les échelles, de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

SEB JANIAK MAGNETIC RADIATION 01 160 x 160 cm CAROLINE KARENINE

Vous êtes en permanence dans l’expérimentation technique… (ferrofluides, séries Photon et Gravity…)
Toujours dans cette quête sans fin de comprendre le monde et l’univers dans une tentative de globalité. Ce projet « Manifestation de l’invisible » est né de ce besoin de visualiser les forces invisibles qui entrent en contact avec la matière, avec nos atomes, nos molécules. Sans l’action de ces forces invisibles, notre monde et l’univers n’existeraient pas.
Sur chaque série, je passe des mois voire des années à lire, à expérimenter des procédés physiques et chimiques, à rencontrer des scientifiques qui me conseillent. Ensuite, je passe à la construction ou à la mise en place d’une installation qui va me permettre de réaliser mon cliché. Sur une des mes dernières installations, j’ai expérimenté un procédé de résonnance sur un matériau et j’ai pu faire une belle découverte scientifique qui m’a permis de participer indirectement à une recherche en cours au CNRS sur la dynamique des vortex. Comme quoi l’art et la science sont plus proches que l’on ne le pense.

SEB JANIAK GRAVITY LIQUID 1 2014 160 x 125 cm CAROLINE KARENINE
SEB JANIAK RESONANCE WATER DROP 251 2016 160 x 160 cm CAROLINE KARENINE

Vous avez récemment présenté trois expositions, pouvez-vous nous en parler ?
J’essaye toujours de travailler avec des galeries en fonction de leurs intérêts dans telles ou telles séries. Chaque galerie avec qui je travaille choisi une ou 2 séries, pas plus, ce qui me permet d’offrir une sorte d’exclusivité à chacune.

Seb Janiak the Kingdom Bardo Thodol 2010 221 x 185 cm CAROLINE KARENINE

Il y a cette série baptisée « The Kingdom » que vous développez depuis plusieurs années déjà…
Cette série est très particulière pour moi car elle touche de très près ma vie privée. J’ai perdu ma fiancée en 2009 dans un accident. Sa disparition aurait pu m’anéantir si je n’avais pas eu l’intuition de réaliser ce travail inspiré par le « Bardo Thodol », le livre des morts tibétains qui nous emmène dans le « no man’s land » que traverse l’âme des défunts après la mort physique. On pourrait y voir une transposition photographique des gravures de Gustave Doré réalisées pour illustrer la Bible. Cette connexion avec le Divin m’a énormément aidé à faire mon deuil et à rester tourné vers la lumière.

SEB JANIAK THE KINGDOM ABOVE 2010 185 x 284 cm CAROLINE KARENINE

Comment procédez-vous pour obtenir de tels résultats photographiques ? Vous utilisez la technique du Matte painting ?
J’ai eu la chance de croiser le chemin de la 1ère palette graphique Paint Box Quantel en 1986, dès son arrivée en France à l’INA. Au bout de 6 mois, on m’a proposé de travailler pour de vrai (j’avais à peine 20 ans). Et 2 mois après, j’ai démonté la caméra du banc titre afin de la poser sur un pied photo et commencer à filmer des mannequins. Je devais ensuite geler l’image et photographier l’écran pour en tirer un négatif. Il n’y avait ni scanner ni imprimante ni ordinateur à l’époque… j’ai ainsi posé les bases de la retouche numérique et de la prise de vue numérique. C’est à ce moment là que Philippe Starck a découvert mon travail (de pionnier). Starck a été mon 1er client ! Difficile de mieux commencer. L’arrivée d’une nouvelle PaintBox dédiée à l’impression m’a permis encore d’innover et d’inventer la technique du matte painting numérique (une sorte de photo montage numérique sophistiqué). Un matte painting est une technique de trucage Hollywoodienne inventée pour les premiers films de science-fiction qui consistait à peindre d’une manière hyper-réalistique un décor ou un paysage. Les acteurs étaient ensuite incrustés par un procédé optique. Mon invention a permis de passer de 40 jours de travail à quelques jours et à apporter un rendu photographique jamais atteint auparavant car j’utilisais mes propres photographies réalisées au moyen format 6×7 Pentax.
Pour Kingdom, je photographie chaque nuage séparément dans divers coins du globe, et sous certaines conditions météorologiques. De retour à mon atelier, je les découpe un par un en vue de les assembler par photomontage classique. L’œuvre finale mesure entre 2 à 3 mètres de large.

SEB JANIAK THE KINGDOML Moon above clouds 2008 180 x 300 cm 1 CAROLINE KARENINE

Vous dites que les manipulations que vous effectuez restent simples pour certaines séries mais cela est difficile à imaginer parfois…
Après 15 belles années dans la photo de mode et la réalisation de clips vidéos, j’avais de plus en plus envie de retrouver ma liberté de création et le temps pour approfondir sans limite des sujets qui me hantaient. Etant l’un des papas de la retouche numérique, j’avais besoin de tuer cette diabolique invention. Je me suis tourné vers les primitifs de la photographie (Baldus, Le Gray…) qui avaient prouvé à leur époque que la photographie pouvait être un art. Ils ont inventé la sur-impression, la double exposition ainsi que le photo montage de négatifs. Je m’en suis inspiré pour me limiter techniquement et revenir à la prise de vue directe, sans retouche ni bidouille. Cela me pousse dans une direction beaucoup plus créative et dans un sens « noble ». La prise de vue directe apporte de la magie et des imprévus qui sont impossibles avec une image retouchée.

SEB JANIAK MAGNETIC RADIATION 02 160 x 160 cm CAROLINE KARENINE

Vous avez publié un ouvrage intitulé « Anomalies Lunaires ». Comment est né ce projet ?
Je me suis retrouvé bloqué chez moi suite à un accident, avec une jambe déconnecté du cerveau. J’ai utilisé mon temps à démystifier toutes les erreurs ou mensonges que l’on peut voir sur youtube et sur certains sites conspirationnistes. Etant fasciné par notre compagnon sélénique, j’ai utilisé mes compétences photographiques pour analyser des milliers de photographies de la Nasa et retrouver les originaux de certaines images sujettes à controverses. Plusieurs scientifiques et astronomes m’ont aidé et ont cautionné ce livre de 464 pages ! Ce travail m’a aussi permis de penser à autre chose et de ne pas trop stresser ! Depuis, j’ai bien entendu guéri.

https://sebjaniak.com/

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