Du graffiti au design graphique en passant par la vidéo et la photo, Florian Sanna aka AbuzOne navigue avec aisance entre les disciplines pour faire émerger des projets singuliers. Le dernier en date, Mauvaizélève, prend la forme d’une série de clichés déclinée en plusieurs saisons, signant un vibrant appel à oser, agir et rêver grand.
Hello Florian, comment ça va ?
Bonjour ! Je vais très bien, merci. Je suis heureux de participer à cet échange, merci pour l’invitation. C’est un plaisir de clôturer une année aussi dense et riche avec vous.
Ton parcours artistique a démarré avec le graffiti et ton groupe de hip-hop, puis avec HotSauceStudio, où tu gérais la direction artistique. En 2022, tu as lancé ton projet Mauvaizélève. Comment est-il né ? Est-ce autobiographique ?
Mauvaizélève a vu le jour dans mon imaginaire en 2021, porté par une envie profonde de créer un projet à mon image, libre et sans compromis. C’était l’occasion parfaite de revenir à ma première passion : la photographie. Ce retour s’est enrichi des nombreuses compétences que j’avais accumulées au fil des années. Pour ce projet je voulais raconter une histoire, construire un univers. Chaque photographie est pensée comme une scène qui fait avancer une narration globale. Il y a bien sûr une part autobiographique.
Mauvaizélève puise dans mon ressenti, et mon rapport à la société, à commencer par l’école avec laquelle je me suis souvent senti en décalage. J’y voyais un système enfermant, peu ouvert à l’imaginaire ou à la singularité. Avec du recul, ce projet parle surtout de la quête de soi : qui sommes-nous vraiment, et qui voulons-nous devenir dans un monde souvent guidé par la peur et les limitations ? C’est une exploration de cette lutte pour être soi-même, envers et contre tout.
Une des affiches de ta série proclame :
« La liberté n’est qu’une illusion dangereuse. Le vrai bonheur réside dans la soumission totale à l’autorité. ».
Que veux-tu transmettre avec ce genre de message ?
C’est une phrase volontairement provocante. Elle illustre ces injonctions sociales qui nous conditionnent à croire que certaines choses nous sont inaccessibles ou interdites. Beaucoup de gens, enfermés dans leurs propres peurs, finissent par transmettre des limitations : “Tu ne peux pas faire ça”, “Ce n’est pas pour toi”. Pourtant, si j’avais écouté ces croyances, je n’aurais jamais réalisé un dixième de ce qui me permet de m’épanouir aujourd’hui. Avec Mauvaizélève, j’invite à remettre en question cette idée : Et si, finalement, tout était possible ? Ce projet est un appel à oser, à écouter ses aspirations les plus profondes, et à se réinventer loin des barrières mentales qu’on s’impose ou que les autres nous imposent. C’est un encouragement à rêver grand, à faire preuve de courage, et surtout à agir.
Aujourd’hui, tu poursuis ce projet sous forme de “saisons”. Comment cela fonctionne-t-il ?
Très vite, j’ai compris que Mauvaizélève s’inscrirait dans le temps. J’ai donc adopté un format en “saisons”, qui correspond bien à mon système narratif. Chaque année, le personnage principal évolue : son histoire avance, il grandit avec ses expériences. Chaque saison apporte une nouvelle dimension à la narration globale. J’ai une trame principale en tête, mais j’aime laisser de la place à l’imprévu. Les personnages eux-mêmes influencent le récit : je me demande souvent “Comment réagiraient-ils dans cette situation ?” Cela rend le projet vivant, évolutif, et profondément connecté à mon propre cheminement.
Tu combines de nombreux médias : décors, objets imprimés, accessoires, graphisme, photomanipulation. C’est un projet multidisciplinaire ?
Absolument. C’est un peu comme si toutes mes années d’apprentissage et d’expérimentation avaient convergé vers ce projet. Mauvaizélève est l’aboutissement d’un parcours où chaque compétence trouve enfin sa place. Ce que j’adore, c’est bâtir un univers cohérent, presque tangible. Chaque élément — qu’il s’agisse d’un décor, d’un objet ou d’un visuel, d’un texte — contribue à renforcer cette immersion.
Pour moi, le processus de création est aussi fascinant que le résultat final : imaginer, construire, ajuster, puis voir le tout prendre vie. C’est un moyen d’extérioriser tout en étant sur un immense terrain de jeu et d’expérimentations.
Tu vas bientôt ouvrir une boutique en ligne. Pourquoi ce choix ?
Ouvrir ma boutique en ligne était une évidence. Aujourd’hui, les artistes ont la chance de créer un lien direct avec leur communauté et de pouvoir vivre de leur art sans intermédiaire. Mon travail photographique demande du temps, des ressources et beaucoup d’investissement.
En proposant des tirages ou des objets issus de l’univers de Mauvaizélève, je peux financer ce projet tout en renforçant le lien avec ceux qui me soutiennent, au travers de la vente de tirages limités, mais aussi d’objets liés à l’univers de la série. C’est une manière de rendre l’art accessible, de remercier ma communauté, et de permettre à mon projet de continuer à grandir.
Tu continues également des projets plus corporate. Que fais-tu exactement ?
Effectivement, Mauvaizélève reste un side project pour des raisons économiques, même si comme je le disais j’y consacre de plus en plus de temps et de moyens. Parallèlement, je travaille avec des entreprises et des artistes sur leurs projets visuels. Je fais beaucoup de portraits corporate et de direction artistique, en mettant l’accent sur la singularité de chaque client. Ce qui me plaît, c’est de travailler sur l’image de soi, d’aider les gens à se percevoir sous un jour plus positif. Dans le cadre d’une entreprise, c’est souvent un défi, mais voir quelqu’un se redécouvrir à travers une séance photo est très gratifiant. Pour les artistes, c’est un peu différent : il s’agit surtout de révéler leur essence, leur particularité et de les aider à s’affirmer dans leur univers.
Et la vidéo ?
La vidéo a toujours été présente dans mon parcours. Je l’ai apprise en autodidacte en réalisant les clips de mon groupe de musique, puis ceux d’autres artistes. Aujourd’hui, elle est devenue un élément essentiel de mon travail. Que ce soit pour Mauvaizélève, d’autres artistes, mes réseaux ou des projets corporate, la vidéo est incontournable. J’adore capturer des instants furtifs, des moments que personne ne remarque. Mon approche est celle d’un observateur discret, comme une petite souris qui révèle l’invisible. À mon sens, ce regard intime et personnel apporte une dimension authentique et poétique à mes réalisations. J’aime particulièrement mettre la sensibilité au cœur de mon travail, quel qu’il soit.
Quel est ton regard sur l’intelligence artificielle ?
Je la vois comme un outil révolutionnaire, à condition qu’elle soit utilisée de manière éthique et responsable. Personnellement, je l’utilise pour gagner du temps : créer des moodboards avec Midjourney, optimiser certaines tâches avec ChatGPT, ou même agrandir des images pour mes projets. Je pense que l’IA est l’une des plus grandes révolutions de notre époque et qu’elle a de belles années devant elle.
Quels sont tes projets actuels et futurs ?
En ce moment, je travaille à faire connaitre la dernière saison de Mauvaizélève. Mon objectif est de la partager le plus largement possible, que ce soit à travers des expositions, des collaborations, ou peut-être même d’événements publics.
Bien sûr, je continue mes projets corporate, qui me permettent de vivre et progresser en rencontrant des personnalités inspirantes. En parallèle, je prépare déjà la prochaine saison pour 2025, qui explorera de nouveaux horizons. Si vous souhaitez suivre cette aventure en direct, rendez-vous sur mon Instagram @abuz0ne, où je partage à la fois les clichés des saisons en cours et de nombreux moments «off». C’est un bel équilibre entre mes différents univers, et une année prometteuse s’annonce !
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