Figure du nouveau design français et révélée aux yeux du grand public avec sa lampe Binic éditée chez Foscarini en 2010, Ionna Vautrin a défini une nouvelle vision des objets du quotidien qui traduisent sa signature : généreuse, spontanée et joyeuse. Dernièrement, elle a imaginé une lampe pour le TGV déclinée aujourd’hui en version domestique chez Moustache. Donc on a voulu lui parler pour qu’elle nous raconte tout ça.
Bonjour Ionna, pouvez-vous nous retracer votre parcours et vos premiers travaux de designer ?
Diplômée en design industriel par l’école de Design de Nantes Atlantique en 2002, j’ai travaillé successivement chez Camper à Majorque, chez Georges J. Sowden à Milan puis chez Ronan & Erwan Bouroullec à Paris. J’ai accumulé près de dix années d’expérience à développer toutes sortes d’objets : chaussures, électroménager, parfum, mobilier, luminaire… Parallèlement j’ai dessiné quelques pièces en céramique pour Industreal avec l’intime conviction d’ouvrir un jour mon propre atelier. En 2010, j’ai reçu le grand prix de la création de la ville de Paris, notamment grâce à la lampe Binic éditée par Foscarini. J’ai ensuite ouvert mon studio en 2011 et les collaborations se sont enchaînées avec des différents éditeurs : Serralunga, Moustache, Lexon, Saint-Louis, Palais des Thés, SNCF…
Vous incarnez au même titre que d’autres créateurs le nouveau design français.
Comment le définiriez-vous ?
Le design français s’est toujours distingué mais l’intérêt pour cette discipline s’est accru auprès du grand public depuis une vingtaine d’années. Les entreprises, les écoles, les institutions et les éditeurs ont donc ouvert des portes à ce métier et permis à la jeune création de s’exprimer plus visiblement. Le design français a une histoire riche à la croisée des arts décoratifs, de l’ingénierie et de l’industrie. La jeune génération de designers porte selon moi ce patrimoine dans son ADN. Elle sait associer les savoir-faire d’excellence aux nouvelles techniques et technologies. Elle combine sensibilité et intuitivité, prospection et pragmatisme. Audace et fraîcheur semblent se dégager de cette nouvelle garde, on espère que la suite sera aussi prolifique !
Vous créez majoritairement des objets du quotidien… est-ce un véritable choix ou s’agit-il davantage d’une histoire de rencontres ou d’expériences passées ?
La direction d’une «carrière» est toujours liée à un mélange de sensibilité, de travail, de chance, d’expériences et de rencontres… On me sollicite particulièrement pour dessiner des objets du quotidien dont l’échelle reste à taille humaine. Avec le temps je pense que cela a fait l’une de mes spécificités et de mes spécialités. Imaginer des compagnons de tous les jours est vraiment agréable et sympathique car ils sont à la portée de tous et souvent de toutes les bourses. J’arrive parfois à m’aventurer sur d’autres terrains… L’intérêt du métier de designer est de pouvoir toucher à tout, à toutes les échelles et à tous les domaines. J’espère que l’avenir me réservera de belles surprises et de beaux projets en tout genre.
J’ai lu que vous aviez pratiqué la poterie pendant plusieurs années…
cette discipline intervient-elle aujourd’hui dans votre travail ?
Pendant une dizaine d’années j’ai fréquenté un atelier de poterie… Je pense y avoir appris beaucoup de choses sur la conception et la fabrication des objets sans en avoir conscience. La céramique est un matériau et un process très important dans mon travail. Mes premières pièces de design étaient d’ailleurs en céramique ! Ce matériau offre la possibilité d’explorer les formes et les couleurs à l’infini. La céramique est polyvalente, traditionnelle ou technique, elle s’utilise dans de nombreux domaines : de la décoration à l’horlogerie… La théière «La cavalière» pour Palais des Thés est la pièce en porcelaine la plus récente de mes créations. Elle associe un dessin aux lignes précises à l’incroyable savoir-faire de la maison Haviland.
Et dessiné des chaussures chez Camper en Espagne à la sortie de vos études…
Camper a été ma première expérience ! Je me suis donc installée à Mallorca dont je suis en partie originaire et où se trouve le siège de la marque. J’ai adoré dessiner des chaussures pour cette maison dont l’image et la qualité ne sont plus à présenter. Comme un canapé, la chaussure parle de confort et de beauté. La beauté peut être subjective mais le confort est un point assez universel pour lequel Camper porte un intérêt particulier. Dessiner des chaussures est donc un véritable exercice de design sur lequel j’aimerais me repencher un jour !
Vous avez remporté le grand prix de la création de la ville de Paris
puis fondé votre studio en 2011…
J’ai eu la chance de remporter le grand prix de la création de la ville de Paris en 2010. C’était ma première distinction… Avoir été reconnue par différents acteurs de la profession m’a donné l’assurance et l’envie d’ouvrir ma propre voie en fondant mon studio.
Vous dites que votre projet de lampe Binic pour Foscarini a changé beaucoup de choses…Lesquelles ?
La lampe Binic éditée par Foscarini est sortie en 2010, son succès a été immédiat !
L’accueil de la presse et du public ont motivé de nombreux éditeurs à me solliciter. Sans cette petite lampe je n’aurais probablement pas enchainé les collaborations avec de belles maisons d’édition depuis bientôt 10 ans. Je dirais qu’elle a défini ma signature : généreuse, joyeuse et spontanée.
Racontez-nous votre projet de Lampe TGV ?
Dans le cadre de la création du nouveau TGV l’Océane, la SNCF m’a invité à imaginer une lampe identitaire ponctuant l’aménagement des espaces conçus par l’agence Saguez & Partners. La SNCF souhaitait faire de cette lampe un signe fort et marquant dans le parcours du voyageur afin qu’elle devienne un objet identifiable de la marque. J’étais flattée de me voir proposer un projet s’adressant à un public aussi large et inscrit dans un univers aussi particulier que celui du ferroviaire.
La création de ce luminaire a été soumise à un cahier des charges doté de fortes contraintes d’usage, de maintenance, techniques, esthétiques et d’espace. Mais les contraintes sont heureusement synonymes de créativité !
La silhouette à la fois sculpturale, douce et accueillante de cette lampe a tout de suite séduit l’équipe SNCF. A travers cette typologie «double» je souhaitais proposer l’idée d’une lampe pour tous mais d’un éclairage pour chacun. Ses deux sources lumineuses émettent un signal fort et accueillant depuis le quai tout en symbolisant l’idée d’accompagner chaque passager pendant leur voyage.
Vous avez aussi imaginé une déclinaison en version domestique ?
Depuis le début du projet en 2013, nous avions l’ambition d’éditer cette lampe TGV pour le grand public. Le parcours a été long mais nous y sommes arrivés ! Moustache, une maison d’édition française, s’est associée à SNCF pour relever le défi avec enthousiasme. Aujourd’hui tout le monde peut embarquer un petit bout du TGV à la maison. Cette version domestique est en tout point semblable à la lampe du TGV, sa coque en aluminium injectée est exactement la même que celle du train.
Elle est éditée chez Moustache, maison française avec laquelle
vous avez collaboré à plusieurs reprises…
Moustache est l’un des premiers éditeurs à m’avoir fait confiance, nous avons développé différentes pièces comme le miroir Cyclope, la table Baobab ou la collection de pots Ô. Il m’a semblé assez évident de présenter cette maison d’édition engagée à la SNCF pour développer une association atypique mais passionnante.
Vous étiez à Milan le mois dernier pour le salon ?
J’étais effectivement à Milan où j’ai présenté la version domestique de la lampe TGV pour la première fois ! J’ai également participé à l’exposition Wallpaper Handmade pour laquelle j’ai dessiné une collection de pinceaux et d’accessoires de soin pour une jeune marque de cosmétique danoise, Nuori.
Que pouvez-vous nous dire sur vos projets pour les prochains mois ?
Je travaille actuellement à la sortie d’une pièce pour Designer Box… Je développe un projet de mobilier urbain en collaboration avec l’AREP pour la SNCF. Et je dessine un petit projet pour la maison d’édition Atelier Emmaüs. D’autres sont également en cours mais c’est encore secret.