Pionnière du design et de l’architecture,
l’irlandaise Eileen Gray a eu un parcours atypique : passant de l’Art déco au courant moderniste, fait de sobriété et de lignes résolument contemporaines. Une volte-face opérée avant-guerre suite à des rencontres qui ont fait d’elle une artiste hors cadre !
Née en 1878 au sud-est de l’Irlande, Eileen Gray est fille de peintre. Après des études de peinture à la Slade School of Fine Art de Londres, elle s’installe à Paris alors la capitale culturelle d’Europe en 1902. 1907 fut l’année de la révélation, elle rencontre Seizo Sugarawa, un maître laqueur japonais qui l’initie à l’art de laquer le mobilier. Ses meubles font rapidement fureur dans le tout Paris : paravents, chaises longues laquées, et fauteuils sont publiés par les magazines d’illustrations de l’époque et font sa renommée. Son fauteuil Dragon a d’ailleurs été adjugé pour 21,9 millions d’euros en 2009, un record mondial pour l’artiste, ainsi que le prix le plus élevé pour une oeuvre d’art décoratif du XXème siècle, deuxième meuble le plus cher de l’histoire.
Après l’exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, elle se détourne de l’Art Déco. Influencée par des designers comme Charlotte Perriand ou Marcel Breuer et son fauteuil Wassily, elle imagine des pièces de mobilier à structure acier tubulaire comme sa table Ajustable ou son fauteuil Transat.
Poussée par son compagnon Jean Badovici, elle s’initie à l’architecture, après avoir mené des projets d’aménagement intérieur, et c’est pour la maison de ce dernier situé à Roquebrune Cap Martin que son talent moderniste se dévoile : la villa E1027 construite entre 1926 et 1929. E pour Eileen, 10 pour le J de Jean, 2 pour le B de Badovici, et 7 pour le G de Gray… Un nom énigmatique qui symbolise le partenariat entre les deux architectes. Conçue comme « une maison de vacances pour un homme aimant le travail, les sports et recevoir ses amis. », la villa E1027 est une ôde à la simplicité : un salon, deux chambres, deux salles de bain, une cuisine d’hiver et une d’été sur deux niveaux d’habitation et une terrasse. Surplombant la mer, la villa, entièrement tournée vers les flots, s’intègre dans une conception globale du paysage et permet aux occupants de suivre la course du soleil.
Répondant aux cinq points de l’architecture moderne avec ses pilotis, son toit-terrasse, le plan libre, les fenêtres en bandeau et la façade libre, la villa fut saluée par Le Corbusier qui implantera son cabanon juste à côté. Autre projet, sa propre maison baptisée « Tempe a Pailla », le temps de bailler, qui sera réalisée en un temps record en 1934 sur les hauteurs de Menton. Combinaison subtile d’architecture moderne et d’éléments vernaculaires, la maison s’inscrit avec une grande élégance dans le paysage et fut conçue comme une œuvre d’art totale, Eileen Gray dessinant elle-même l’ensemble du mobilier, modulable et polyfonctionnel. Sa troisième et dernière réalisation architecturale fut sa maison de vacances Lou Pérou située au sud de St Tropez, une rénovation répondant uniquement à ses besoins avec simplicité et sobriété… Du slow design bien avant l’heure que l’on peut visiter sur réservation.
Fauteuil TRANSAT
Conçu pour la villa « E1027 », le fauteuil Transat est une traduction de l’élégance des années 20 : pureté, simplicité, confort. Imaginé à partir de tasseaux de bois carrés et rectilignes, il intègre une structure métallique très esthétique prévue pour soutenir l’assise souple et fluide en cuir. Son appui-tête articulé de façon à suivre les mouvements et les besoins du corps de l’utilisateur en fait une pièce ultra confortable et résolument moderne. Son nom fait écho aux fauteuils pliables des transatlantiques, en accord avec la maison, tournée vers la mer.