Fabien Mazé aka Xkuz est le nouvel invité de ce 99ème numéro. A cette occasion, l’artiste originaire des Hauts de France signe la couverture et nous raconte son quotidien qu’il partage entre décoration murale, graphisme, expositions et festivals de peinture. Un travail urbain et parfois en atelier qui l’amène à déconstruire les lettres pour créer de riches compositions abstraites.
Hello Fabien, comment ça va chez toi ?
Ça va au top ! Je rentre d’un super week-end à Saint Brieuc (fin septembre) pendant lequel j’ai contribué à la réalisation d’une fresque collective de plus de 300 m2, avec Leyto, Poter, Sifat, le Duo Pakopz (2Ben de Rennes et Marine Biteau) et Herbert. Ce fut l’occasion de revoir des potes et de faire de chouettes rencontres.
Question de base pour commencer : ça vient d’où XKUZ ?
A la base c’était SKUZ. A l’époque je trouvais ça marrant de taguer/graffer les murs en m’excusant en même temps. C’était ma manière de dire « désolé mais c’était plus fort que moi ». J’ai changé le S pour X en 2008, car au fur et à mesure du temps, j’ai découvert que d’autres graffeurs avaient le même blaze. J’ai voulu me démarquer un peu, tout en gardant la symbolique de base.
Tu es passé du graffiti à une pratique plus « esthétique » au moment de ta formation en arts graphiques même si la rue reste ton terrain de jeu… tu peux justement nous retracer un peu ton parcours et nous parler de ton univers ?
J’ai commencé par le tag en 1998, puis j’ai fait mes premiers graffs vers 2000-2001. J’ai passé de nombreux week-ends à peindre des murs d’usines abandonnées, mais aussi à recouvrir les murs des voies ferrées et des routes de l’Oise, principalement avec mon ami Ower. En 2005, je rentre dans une école d’arts visuels et termine en 2008. Après l’école, je me suis concentré uniquement à faire des fresques, graffitis 2D, 3D, wildstyles, personnages, décors, tout y passait… J’essayais un peu tout, je me cherchais. C’est seulement en 2016 que j’ai commencé à développer un travail plus personnel. C’est en faisant une grande introspection que j’ai trouvé un style en accord avec moi-même, j’avais vraiment envie de passer à autre chose, de m’affranchir des codes du graffiti « classique », et de trouver mon propre langage graphique. La base de mon travail reste l’écriture, principalement de mon nom, mais je déconstruis les lettres et n’en garde que certains morceaux pour en faire des compositions abstraites. C’est un peu comme un jeu où il faut remettre les pièces dans l’ordre, et imaginer celles qui manquent pour lire quelque chose.
Tu partages ton temps entre décoration murale, design graphique, sérigraphie… ?
Je passe mon temps entre festivals de peinture, expositions, commandes de décoration murales, et de graphisme. J’aime beaucoup l’impression artisanale, alors je me suis mis à la sérigraphie il y a quelques années. Dernièrement j’ai commencé à faire de la linogravure, je trouve ça passionnant.
Tu travailles de plus en plus en atelier ?
J’ai la chance de travailler avec l’espace Matisse à Creil, et l’Emmaüs du Clermontois qui me prêtent un peu d’espace quand j’en ai besoin, mais pour l’instant mon travail reste surtout mural.
Qu’est-ce que vous faites avec ton collectif Dislexik ?
Nous avons été très actifs dans les friches de ma région entre 2011 et 2015. On faisait des fresques presque tous les week-ends, mais c’est de plus en plus compliqué de coordonner nos emplois du temps. Certains ne sont plus dans la région, d’autres n’ont tout simplement plus le temps ou l’envie de peindre. Nous nous regroupons quand même au moins un week-end par an pour peindre un mur ensemble et passer du bon temps entre potes.
Qu’est-ce que tu te dis quand on t’appelle pour réaliser une fresque dans un collège ou sur un bâtiment public ?
Dans les deux cas je me dis que c’est cool, peindre dans un collège c’est montrer aux jeunes qu’il est possible de faire autre chose que ce qu’on nous propose à l’école. Peindre un bâtiment public c’est bien aussi parce que ça me permet d’exposer mon travail au regard de tous, c’est très enrichissant d’avoir les interprétations des gens. Ce qui me plait aussi dans les deux cas, c’est que les peintures restent, contrairement aux peintures en friches qui sont souvent toyées, recouvertes etc…
Les mentalités ont bien changé quand on parle de street art et de son évolution… Il y a une vraie dimension culturelle aujourd’hui…
Il y a un réel effet de mode c’est certain, même s’il y a toujours ce cliché du « tagueur », à partir du moment où tu peins avec une bombe de peinture, et cela, peu importe ce que tu fais avec… Ça évolue tout doucement dans les mentalités, mais j’ai l’impression qu’il y a une réelle intention de la part de certaines institutions, galeristes, mairies, de démocratiser ces pratiques, et de donner aux artistes les moyens de s’exprimer.
J’ai vu que tu avais participé cette année à l’exposition collective « Basquiat la rue nous inspire ». Tu peux nous parler un peu de cet évènement ?
Cet évènement est à l’initiative de Yann Colignon le directeur du skatepark d’Abbeville, avec qui je travaille depuis quelques années. Ce projet avait une dimension culturelle mais aussi éducative. L’idée était d’impliquer les jeunes Abbevillois dans une exposition qui mélange, artistes internationaux, nationaux, et locaux, au sein du musée Boucher de Perthes. J’ai eu un rôle important dans ce projet, puisque je suis intervenu dans le collège Ponthieu, afin d’accompagner les jeunes dans leurs créations. Je me suis occupé d’inviter des artistes à participer à l’exposition, et j’y ai moi-même présenté deux pièces. Le bilan est très positif et le taux de fréquentation du musée n’a jamais été aussi élevé.
Que va-t-il se passer pour toi d’ici la fin de l’année ? Projets, collaborations, expos… ?
Mon prochain projet important c’est une fresque sur la façade de la ferme Corsange, salle de spectacle de la ville de Bailly Romainvilliers (77) durant le mois d’octobre, ensuite j’ai quelques petites commandes à honorer (murs, véhicules), j’avoue que je n’ai pas le temps de m’ennuyer !