Disparu en janvier dernier, l’architecte espagnol Ricardo Bofill aura marqué la ville de Montpellier de son audace. Il laisse derrière lui une œuvre protéiforme, utopiste et résolument moderne, qui a toujours placé l’humain au cœur de la pensée architecturale. Hommage.
Né à Barcelone en 1939, Ricardo Bofill s’initie dans un premier temps à l’architecture dans sa ville natale. Renvoyé pour ses positions engagées contre le régime de Franco, il se forme finalement en Suisse mais rejoint son pays à la fin de son cursus. Il y intègre alors « La Gauche Divine », un groupe de réflexion composé d’intellectuels et y fonde son cabinet d’architectes Ricardo Bofill Taller de Arquitectura (RBTA) en 1963. Entouré par des architectes évidemment mais aussi par des philosophes, des sociologues, des cinéastes, des ingénieurs et des écrivains, il installe son studio dans une ancienne cimenterie à Saint Just Desvern dans la région de Barcelone, tout en béton et formes cylindriques : la Fàbrica. C’est dans ce bâtiment iconique de son œuvre, moderniste, en béton brut qu’il commence à créer de gigantesques espaces de vie communs, influencé par l’architecture traditionnelle catalane. En résulte des projets comme Xanadú à Alicante (1971), ou comme la Muralla Roja bâtie en 1973 à Calpe, un complexe résidentiel aux airs de citadelle labyrinthique rouge, comme son nom l’indique, qui révèle une palette de couleurs audacieuse mêlant bleu, violet et rose, du jamais vu en architecture, ou encore l’immeuble Walden, érigé en 1975, qui reprend la structure des ruches d’abeilles.
L’architecture est la victoire de l’homme sur l’irrationnel
Internationalement reconnu, il a œuvré dans le monde entier en commençant par sa Catalogne natale mais aussi aux États-Unis, au Maroc, en Chine et au Japon, en Russie ou en Inde, et bien évidemment en France où il signe l’ensemble du Quartier d’Antigone inspiré des monuments de l’Antiquité dont la construction a débuté en 1983, le projet « Les Arcs du Lac – Le Viaduc » à Saint-Quentin-en-Yvelines, ou encore Les Espaces d’Abraxas à Noisy-Le-Grand récemment réhabilités par l’architecte lui-même.
En réaction à l’architecture de masse des HLM créés dans les années 60 et 70, il s’érige en défenseur des logements sociaux monumentaux qui replacent leurs usagers dans la pensée architecturale. Avec pour crédo : « L’architecture est la victoire de l’homme sur l’irrationnel » et pour rêve affiché de réaliser « l’impossible » et de révolutionner l’architecture moderne autant que l’organisation spatiale de la vie humaine, il nous a laissé un héritage futuriste et utopiste, résolument marquant pour l’imaginaire collectif.
À partir des années 90, il laisse le tout béton de côté pour édifier des bâtiments en verre et en miroir comme la tour 77 West Wacker Drive à Chicago, le siège de la BNP Paribas à Paris, ou encore plus iconique, l’hôtel W de Barcelone, faisant face à la Méditerranée qui est aujourd’hui un emblème pour la capitale Catalane. Conçu en 2009 et baptisé La Vela, il s’inspire d’une voile de bateau et qui marque de sa silhouette le paysage littoral.
Aéroport de Barcelone El Prat, Palais des Congrès de Madrid, centre de musique l’Arsenal à Metz, immeuble Shiseido à Tokyo, Sièges sociaux de Dior, Rochas, Axa et Cartier à Paris, sont autant de projets sur lesquels Ricardo Bofill apposa sa signature architecturale. Une œuvre magistrale de plus de cinq cent projets dans une cinquantaine de pays différents qui a définitivement marqué la discipline d’une empreinte indélébile.
à lire : Ricardo Bofill – visions d’architecture aux éditions Gestalten