Nommé Designer Belge de l’Année en 2009, Sylvain Willenz, à la tête de son studio fondé en 2004, est animé par la volonté d’explorer tous les champs du design et se passionne pour les procédés de fabrication. Des luminaires au mobilier en passant par les accessoires, la décoration d’intérieur ou le design textile, ce designer produit qui a lancé son propre eshop en 2011 prône avant tout la subtilité dans la surprise et la durabilité. Rencontre.
Bonjour Mr Willenz, évoquons votre parcours de designer pour démarrer… Premiers pas de designer ?
Durant mes études au Royal College of Art de Londres, de 2001 à 2003, j’ai présenté un projet baptisé Dr.B pour lequel j’avais imaginé du mobilier en bambou et caoutchouc. J’ai eu la chance de le voir présenté lors d’Intérieur à Courtrai en 2002 où il a d’ailleurs reçu un prix. Ce succès quelque peu inattendu a retenu l’attention des marques, de la presse… et m’a en réalité catapulté dans le monde du design assez rapidement. Contrairement à d’autres designers, je n’ai jamais fait de stages ou travaillé chez d’autres grands designers avant de me lancer puisque j’ai très vite fondé mon studio en 2004 grâce à cette dynamique et cette énergie engendrées par mon projet.
Dans quelle mesure vos expériences en Angleterre, aux Etats-Unis, etc. ont-elles forgé votre identité de designer ?
J’ai vécu plusieurs années aux Etats-Unis durant mon enfance avant de revenir en Belgique puis de repartir en Angleterre. J’ai pas mal voyagé ce qui m’a permis de me familiariser très jeune avec plusieurs langues, d’avoir ce côté international je dirais qui m’a beaucoup aidé à rencontrer des gens d’horizons différents. En 2007, j’ai notamment fait la connaissance d’Established & Sons, grande marque avec laquelle le courant est très bien passé et avec qui j’ai mis au point la collection Torch. Puis de fi l en aiguille, j’ai démarré des collaborations avec des éditeurs italiens (Cappelini), japonais (Karimoku New Standard), hollandais… Ces deux dernières années, j’ai par contre davantage travaillé avec la Belgique et la France.
Vous évoluez sur de multiples terrains : luminaires, mobilier, espaces, textile, technologie…
Tout à fait, j’aime particulièrement explorer différents types de projets même si les luminaires et le mobilier constituent mes domaines de prédilection, particulièrement les chaises en bois. Les projets naissent la plupart du temps suite à de belles rencontres avec des maisons d’édition, des artisans. Ce qui m’amène à découvrir de nouvelles techniques, matières, savoir-faire et ainsi développer des collaborations innovantes pour le studio. Au fi l du temps, j’ajoute des cordes à mon arc.
Votre collaboration avec Retegui ? Deux cultures du design se rencontrent…
Travail du marbre ?
C’était un super projet avec une maison qui a un vrai savoir-faire, une vision du design qui me correspond parfaitement. Effectivement, j’ai travaillé le marbre que je n’avais d’ailleurs jusque-là jamais étudié pour concevoir la ligne Alaka composée de plusieurs miroirs et d’une série d’accessoires. Je dis souvent que les choses qui paraissent les plus simples sont en fait les plus difficiles à réaliser. Ce fut en tout cas une expérience vraiment très enrichissante.
Il y a aussi Versant Edition pour qui vous avez réalisé récemment une table ?
Oui, ce projet est tout récent puisque Versant Edition est une nouvelle maison française pour qui j’ai imaginé Bagnères, une table inspirée de Bagnères-de-Bigorre et des années 50 qui est très représentative du type d’objets que j’aime concevoir. Elle semble familière, comme si elle avait toujours existé mais propose quelque chose de novateur, de surprenant. La subtilité dans la surprise avec une identité très forte.
Comment abordez-vous un projet de design pour un disque dur externe ?
J’aime bien m’aventurer sur des terrains jusque-là inconnus comme celui des disques durs ou du seau en plastique. La marque en question, Freecom, m’a sollicité pour concevoir un nouveau design pour son modèle XXS et j’avoue que ce fut un peu compliqué au départ car les contraintes sont nombreuses notamment au niveau de la taille du produit. Ce fut une collaboration très excitante qui s’est poursuivie pendant cinq ans avec la création de plusieurs modèles de disques.
Vous travaillez également sur le design textile ?
Le studio travaille effectivement sur le design textile depuis peu. Nous avons commencé par dessiner des tapis et des accessoires pour différents clients avant de créer un tissu, Razzle Dazzle, aujourd’hui distribué dans le domaine de l’ameublement. Certains designers utilisent donc mon tissu pour leurs créations et j’avoue que cette idée me plait beaucoup. Par la suite, nous avons conçu un garnissage avant de nous pencher sur un projet de canapé. Aujourd’hui, l’univers du textile fait partir des compétences du studio qui poursuit son évolution sur de nouveaux territoires.
Quel est le concept de votre Shop ? Vous vendez vos propres produits ?
Je dis souvent que j’ai deux casquettes, celles de designer et de revendeur. L’idée de créer mon shop en ligne m’est venue en 2011 et je fais partie des pionniers dans ce domaine. La particularité tient dans le fait que les clients, qui sont des architectes ou des particuliers par exemple, achètent uniquement du design signé Sylvain Willenz. Cela représente aujourd’hui un complément de mon activité de designer mais cela fonctionne très bien car le site est bien référencé et les clients sont ravis de pouvoir avoir accès directement à mes produits que je peux vendre à travers le monde. Un lien de proximité se crée avec eux et nous leur proposons un service un peu plus personnalisé et puis je profite d’une plus grande liberté de création.
Vous évoquez la crise du design, la nécessité de se réinventer ?
Oui, il y a aujourd’hui de plus en plus de designers et de produits qui sont parfois mal conçus et qui ne s’inscrivent pas dans le temps. Je pense qu’il faut réfléchir plus intelligemment à ce que l’on créé et qu’il est primordial de prendre en compte la durabilité des produits. Il faut davantage s’intéresser aux savoir-faire, aux différentes matières, avoir une vraie vision du design et ne pas respecter une saisonnalité comme dans le monde de la mode par exemple. Il n’y a pas de recette miracle mais à mon niveau, j’essaye de travailler dans ce sens.
Quels sont vos projets en cours et à venir ?
Comme je le disais précédemment, le studio est amené à évoluer sur différents types de projets et c’est ce que nous avons notamment fait pour deux récentes réalisations à savoir la décoration d’intérieur d’une boutique de sneakers et d’un fleuriste à Bruxelles. Nous avons en cours plusieurs scénographies, expositions et installations, des projets de mobilier et nous préparons également la Biennale Euroluce qui se tiendra en avril prochain à Milan. Nous y présenterons des nouveaux luminaires.