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ATELIER OÏ

Fondé en 1991 à La Neuveville en Suisse par Patrick Reymond, Armand Louis et Aurel Aebi, atelier oï dont le nom fait référence au mot russe troïka symbolisant le travail à trois, s’est construit autour de la transdisciplinarité et de l’expérimentation de la matière. Installé dans l’ancien Motel de la ville rebaptisé le Moïtel, le studio investit de multiples terrains de jeux pour donner corps à des projets variés de différentes échelles et perspectives créatives, du design à l’architecture en passant par la scénographie et l’aménagement intérieur.

Bonjour Mr Reymond, quelle est l’histoire de votre rencontre et de la naissance de atelier oï ?
L’histoire de notre association remonte à l’époque de nos études. C’est durant notre formation à l’école d’architecture, fondée par Alberto Sartoris, que nous avons commencé à collaborer ensemble pour la réalisation de nos projets. Je connaissais déjà Armand Louis qui était spécialisée en construction navale puis nous avons fait connaissance avec Aurel Aebi. Depuis ce temps, nous avons toujours privilégié une approche transversale avec une vision élargie de toutes les disciplines. Nous avons très vite découvert une certaine complémentarité entre nous ce qui nous a permis de mener plusieurs projets avant de fonder officiellement atelier oï en 1991.

Comment travaillez-vous à trois ?
Il n’existe pas de recette établie entre nous, il s’agit davantage d’échanges d’idées, de discussions sur les projets… On pourrait comparer notre équipe à un groupe de musique, chacun joue un rôle et reste complémentaire des autres. Nous avons chacun une manière de s’exprimer, des expériences différentes….
Il faut simplement savoir s’écouter et laisser parfois la place à un autre membre du trio qui aura une réponse particulière sur un sujet. Cette manière de travailler est tout à fait naturelle et spontanée depuis que nous nous connaissons. C’est avant tout une histoire d’amitié.

La valeur ajoutée de atelier oï réside dans la transversalité des pratiques et la co-construction des projets ?
Exactement, depuis nos études, nous nous sommes toujours intéressés à différentes disciplines, qu’il s’agisse de design, d’architecture, d’architecture d’intérieur ou de scénographie… L’atelier a forgé son savoir-faire dans la recherche et l’expérimentation en équipe sans se focaliser uniquement sur un type de projet. Nous avons ainsi une vision transversale, une idée en amenant une autre…Nous sommes animés par une certaine curiosité et le mélange des genres qui nous permettent de naviguer entre les projets et les échelles. Je prends l’exemple d’une collaboration avec Swatch qui nous avait sollicités pour concevoir une montre, qui nous a finalement menés à la conception d’une usine.

2019 Louis Vuitton 02©Louis Vuitton Objets Nomades Tommaso Sartori CAROLINE KARENINE
515 020 2019 Louis Vuitton Serpentine 03©Louis Vuitton Malletier CAROLINE KARENINE

L’identité de atelier oï s’est forgée autour des multiples types de projets et d’échelles… Vous êtes en mesure de réaliser aussi bien un flacon de parfum ou un stylo qu’un ensemble de mobilier ou une scénographie…
Rien n’est figé ! Les projets et leur échelle se construisent au fur et à mesure du temps, selon les rencontres, les demandes…Il ne s’agit pas de dire que nous savons tout faire parfaitement. Chaque collaboration nourrit la suivante. Un projet non abouti à un moment donné peut servir un autre quelques années plus tard alors qu’il ne s’agit pas du même contexte… Un projet nécessite une réponse particulière et cette approche du métier ne nous permet pas de proposer une véritable signature formelle et c’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de notre atelier. L’important est de rester libres.

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Le point de départ d’un projet reste la matière, c’est bien ça ? Vous conservez donc une certaine approche artisanale ?
Nous avons toujours cherché à appréhender et à comprendre la matière pour jouer avec. Elle demeure un excellent moyen d’expérimenter et de concrétiser des projets à l’échelle 1/1. A l’image de la cuisine, il faut pouvoir goûter avant de servir le plat. L’histoire que nous souhaitons raconter conduit à la matière et la structure définit ensuite l’esthétique de l’objet en question. Nous archivons en permanence différents matériaux et savoir-faire que nous pouvons ensuite utiliser ou réutiliser selon le projet. La matière est donc un véritable point de départ et amène effectivement un vrai côté artisanal auquel nous sommes attachés. Le côté « physique » est fondamental. Nous matérialisons des histoires au travers de la matière en somme. La forme suit l’émotion et la recherche est continuelle en ce qui concerne la matière.

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Comment intégrez-vous le développement durable et les contraintes liées à l’environnement dans votre processus de création ?
Nous avons une vraie conscience en matière de développement durable même si tout n’est pas parfait car nous ne pouvons pas tout maitriser malheureusement. Notre expérience au niveau de la matière, des associations entre les matériaux et sur la manière de les connecter nous a permis d’avoir une certaine sensibilité sur ces thèmes qui sont évidemment fondamentaux. Nous sommes d’ailleurs en train de développer un projet humanitaire au Cambodge, en collaboration avec une ONG, qui concerne la construction d’une université à l’aide de matériaux organiques associant de multiples savoir-faire locaux. C’est un projet à grande échelle qui s’inscrit plus largement dans la conception d’un village devenu autonome économiquement.

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Atelier Oï La Neuveville, le 10 septembre 2009 © Xavier Voirol/Strates

Vous mettez en avant le Moïtel, votre espace de travail… Que représente-t-il pour vous ? Vous y avez rassemblé tout ce dont vous avez besoin au quotidien : atelier de prototype, matériauthèque, studio photo…
atelier oï est installé dans un ancien motel de La Neuveville que nous avons donc réinvesti pour y créer notre outil de travail et notre port d’attache. C’est un vrai choix d’être restés dans cette ville où tout a commencé pour nous au lieu d’emménager dans une ville plus grande ou une capitale. Ici, nous bénéficions d’un cadre naturel apaisant et d’un bâtiment assez grand pour pouvoir y intégrer l’ensemble de nos savoir-faire. On y retrouve des espaces de travail, un atelier pour la conception de prototype, une salle pour les archives et la matériauthèque, un studio photo et nous avons conservé d’anciennes chambres de l’hôtel que l’on met parfois à disposition des personnes extérieures qui viennent collaborer ponctuellement avec nous.

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Comment voyez-vous l’évolution du design et de l’architecture dans les années à venir ?
Je pense que les designers, les architectes et autres créateurs d’ailleurs…doivent être davantage conscients de ce qu’ils créent et de l’impact sur leur environnement global. Il est à mon sens nécessaire de mener une réflexion plus profonde sur le sens de la création en appréhendant les différentes composantes liées aux usages d’aujourd’hui et de demain, au développement durable, à l’économie… Il faut se poser les bonnes questions pour tenter de trouver des solutions intelligentes et savoir parfois changer notre manière de travailler.

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Quels sont vos projets actuels et futurs ? Avez-vous en tête un projet que vous aimeriez mener en particulier ?
Nous poursuivons nos multiples projets de design et d’architecture, à des échelles variables ; mais également nos collaborations avec des éditeurs et nous travaillons activement sur le projet humanitaire au Cambodge dont j’ai parlé précédemment. Je pense également à une scénographie pour une prochaine exposition artistique à Genève et à nos projets dans l’univers de l’hôtellerie que nous aimerions développer dans les années à venir.

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How Life Unfolds Lars Muller 00 c by atelier oi CAROLINE KARENINE

Monographie parue en 2018 et disponible chez Lars Müller Publishers.

https://www.atelier-oi.ch/

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