Illustrateur et spécialiste de l’art du collage depuis plus de vingt ans, Julien Pacaud utilise désormais l’intelligence artificielle pour créer ses séries d’images parfois très étranges. C’est d’ailleurs le cas de la couverture qu’il a réalisée pour ce nouveau numéro. Collaborations, IA, NFTs, projets…. on est allés discuter un peu avec lui.
Hello Julien, comment ça va ?
Ça va bien, merci.
Ton parcours en quelques mots ?
J’ai commencé mon parcours par des études de cinéma à l’École Louis Lumière. Puis ce fut la découverte de l’outil Photoshop, au début des années 2000, qui m’a fait entrevoir une nouvelle possibilité de créer des images et de pousser plus loin la pratique du collage, qui m’avait toujours intéressée. Ce qui n’était alors qu’un simple passe-temps est petit à petit devenu mon activité artistique principale.
Tu peux nous en dire un peu plus sur tes activités ?
Je partage maintenant mon temps entre des illustrations de commande et mes créations personnelles.
Tu fais pas mal de choses : collage, AI Art, illustration, animation, musique…
Comment tu organises tout ça ?
Pendant presque 20 ans, je n’ai quasiment pratiqué que le collage numérique, à partir de photos anciennes glanées çà et là. Il m’est arrivé d’étendre cette pratique du collage au champs sonore et musical, mais de manière plutôt épisodique.
Depuis 2021, je m’intéresse à ce nouvel outil qu’est l’I.A. J’ai tout de suite été fasciné par ces possibilités et les progrès fulgurants qui se déroulent dans ce domaine. J’ai commencé par remplacer les éléments de photos anciennes qui constituaient mes collages par des éléments créés par intelligence artificielle. L’image présente en couverture de ce magazine en est d’ailleurs un exemple ! Aujourd’hui je crée également des séries d’images « purement I.A. », c’est-à-dire sans intervention de ma part (ou très peu) après génération. C’est un travail parfois plus compliqué qu’il n’y paraît…
Quelques mots sur le marché des NFTs aussi…
Je n’ai pas vraiment compris ce qu’étaient les NFT au moment de l’explosion du marché en 2020, et j’ai même trouvé ça assez ridicule : vendre des fichiers numériques à la place d’œuvres d’art matérielles ? De plus, ce marché utilisant quasiment exclusivement des crypto-monnaies, par des processus numériques très compliqués, j’ai passé mon tour. Puis début 2023 j’ai réalisé que dans mon cas, les NFT prenaient tout leur sens car, travaillant numériquement, je n’ai pas d’œuvre originale matérielle comme pourrait en avoir un artiste traditionnel. Je peux imprimer mes œuvres mais ce ne seront que des reproductions. Mon original est un fichier. Il n’est donc pas stupide d’imaginer vendre ce fichier. Malheureusement, je suis arrivé sur le marché un peu tard car apparemment l’effervescence des débuts est retombée, et malgré quelques ventes, j’ai bien du mal à y faire ma place.
Comment tu définis ton langage visuel ?
Ce n’est pas évident pour moi de le formuler. Je cherche à créer des univers plutôt cohérents visuellement, malgré l’utilisation du collage, mais où l’étrangeté domine. Je me sens assez proche du surréalisme.
Quels sont tes outils et techniques de travail ?
Un ordinateur, une tablette graphique et Photoshop. Le ciseau et la colle sont remplacés par ces outils et bien d’autres sont disponibles pour manipuler les images que je rassemble pour en faire ma matière première.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
Je m’apprête à démarrer la réalisation d’une série de collages qui seront ensuite animés pour réaliser la vidéo promotionnelle d’une marque de bijoux.
Qui sont tes clients ?
Principalement la presse (française ou internationale), mais c’est très varié : des festivals de musique pour des affiches, des groupes pour des pochettes de disques, des architectes pour des interprétations artistiques de leurs projets, des maisons d’édition pour des couvertures de livres, des marques pour de la publicité, etc.
Ta collaboration la plus inattendue, la plus singulière ?
Peut-être la réalisation d’un visuel pour une planche de surf de la marque Décathlon. Un format plutôt inhabituel, dans un domaine qui m’est étranger !
Celle dont tu rêves ?
Réaliser l’affiche du prochain film de David Lynch ?
Un artiste incontournable ?
René Magritte
Une œuvre d’art emblématique ?
Peut-être l’urinoir de Duchamp ? J’ai le sentiment qu’il a atteint une limite, qui ne nous permet ensuite que de répéter et recycler le passé. En ce sens, l’utilisation de l’I.A. est une suite logique à la vision de Duchamp : le rôle de l’artiste se borne à faire un choix et non à réaliser concrètement une œuvre.
Un musée à visiter absolument ?
Ce n’est pas un musée, mais la visite de la Sagrada Familia à Barcelone m’a vraiment impressionné.
La dernière expo que tu as vue ?
«Souvenirs du Royaume de Siam », par Les Sœurs Siamoises chez Arts Factory, à Paris.
L’endroit idéal pour déconnecter ?
De nos jours, un tel endroit est difficile à trouver. Je pense que c’est devant un film que je déconnecte le mieux.
Ton disque du moment ?
Grand Veymont : Persistance et changement (leurs trois albums sont magnifiques).
Un film qu’il faut avoir vu au moins un fois dans sa vie ?
L’Année dernière à Marienbad d’Alain Resnais.
Tes actus et prochains projets ?
Je suis dans une période d’intense réflexion et je nourris mon inspiration pour de nouveaux projets mais je ne peux pas vous en dire plus…
Pour te suivre en ligne ?
Il suffit de taper « julienpacaud » sur n’importe quel réseau social, ou d’aller sur mon site www.julienpacaud.com
Un dernier mot ?
Celui qui s’impose à la suite de votre invitation dans Focus : « Merci ! »