Sébastien Devaud, alias Agoria, s’impose depuis près de trois décennies comme une figure incontournable de la scène électronique française et mondiale. Producteur, DJ et artiste numérique visionnaire, le Lyonnais a su évoluer au fil des époques, se renouvelant sans cesse pour dépasser les simples frontières musicales. Avec son nouvel album, Unshadow, sorti le 11 octobre dernier, Agoria réaffirme sa quête d’une musique à la fois accessible et innovante, tout en flirtant avec les technologies de pointe comme l’intelligence artificielle et les NFTs.
Retour sur le parcours d’un pionnier aux multiples facettes.
Dans les années 90, alors que la techno émerge en France, Agoria s’impose comme un artiste emblématique, façonnant un espace musical de liberté et d’expérimentation. Rejetant les dogmes traditionnels, il développe une identité singulière mêlant techno, house et ambient. Son premier album, Blossom (2003), marque ses débuts avec un style introspectif. Les albums suivants, The Green Armchair (2006) et Impermanence (2011), confirment son talent pour créer des atmosphères hypnotiques. Parallèlement, il cofonde Les Nuits Sonores, festival incontournable de la scène électronique lyonnaise.
Agoria s’enrichit constamment des échanges avec d’autres artistes, qu’il s’agisse de Tricky, Carl Craig, Noémie ou encore Nile Rodgers. Ces collaborations, véritables catalyseurs de créativité, nourrissent une vision artistique en perpétuelle évolution. Dans son dernier album, Unshadow, ces connexions prennent une ampleur particulière. Loin d’être de simples contributions, elles s’intègrent au cœur même de son processus, donnant naissance à des morceaux comme Spacer, élégante reprise de Sheila, ou Getaway, où Nile Rodgers insuffle une énergie funk irrésistible. Chaque collaboration est une exploration, un dialogue entre les époques et les genres, qui confirme la capacité d’Agoria à repousser les limites du possible.
L’artiste explore également les arts numériques et la technologie. Ses œuvres ont été exposées lors d’événements prestigieux tels que NFT.NYC, Sonar ou Art Basel. En 2024, il franchit une nouvelle étape avec Lumina, une installation mêlant biologie, histoire et technologie, présentée au Musée d’Orsay. Cette œuvre immersive interroge les interactions entre le vivant et le virtuel, confirmant son rôle de pionnier. Dans le clip de I Feel Good, réalisé grâce à l’intelligence artificielle, Agoria pousse plus loin sa réflexion sur la création numérique et l’appropriation. Pourtant, cette quête d’innovation ne se fait pas sans tension. Unshadow illustre cette ambivalence : chaque titre brille par son originalité, mais l’album manque parfois d’homogénéité.
En multipliant les collaborations et les influences, Agoria flirte avec le risque de diluer sa vision artistique. Cependant, cette approche reflète l’époque actuelle : à l’ère des playlists, où chaque morceau vit indépendamment, Unshadow s’inscrit dans une logique d’écoute à la carte. Agoria se définit comme un «citoyen du monde», inspiré par ses voyages et ses rencontres. Avec Unshadow, il partage une vision lumineuse et fédératrice, fidèle à l’énergie universelle de ses DJ sets légendaires. «Ma musique n’a jamais été uniquement une affaire de sons, mais une tentative de connecter les gens, de créer des ponts entre les disciplines, entre les cultures», confie-t-il. Cette quête se manifeste autant dans ses collaborations musicales que dans ses projets technologiques et artistiques.
Avec Unshadow, Agoria ne se contente pas de revisiter son héritage : il invente un futur où musique, science et art se rencontrent. Cette capacité à se réinventer, à surprendre, et à proposer des expériences multisensorielles fait de lui un artiste en phase avec son époque. Qu’on apprécie ou non ses choix esthétiques, une chose est certaine : Agoria reste un visionnaire qui ne cesse de faire évoluer la musique électronique.
