Diplômée de Camondo, passée par La Fabrica et les Ateliers de Paris, Charlotte Juillard fait partie de ces designers qui font rayonner le savoir-faire français à travers le monde. Cette varoise installée à Paris et bientôt de retour dans le Sud aime jouer sur différents terrains créatifs et prône un design féminin et accessible. Rencontre.
Bonjour Charlotte, votre parcours vous a amené à La Fabrica de Benetton en Italie, puis aux Ateliers de Paris…
Après mon cursus d’architecture d’intérieur et de design de cinq ans à l’école Camondo à Paris, j’ai effectivement intégré la Fabrica du groupe Benetton à Trévise en Italie. Cette pépinière de créatifs a été lancée en 1994 et j’y ai passé un an et demi avec de jeunes designers internationaux. Ce fut une expérience ultra enrichissante pour moi car j’ai pu travailler sur des types de projets très variés qui m’ont permis de rencontrer des artisans locaux, de me familiariser avec différentes techniques et matières et donc de m’émanciper au niveau créatif. C’est durant cette période que je me suis rendue compte que l’échelle de l’objet me correspondait davantage. De retour en France, j’ai passé deux années aux Ateliers de Paris, un incubateur qui offre la possibilité de développer ses propres projets grâce à de nombreuses synergies avec des artisans, marques et autres maisons d’édition. Une période charnière également puisque j’ai pu appréhender les différents marchés, lancer mon activité de freelance.
Vous avez fondé votre studio en 2014. Quels sont vos différents domaines d’intervention ?
Oui le studio a été fondé en 2014 puis en 2016, le salon Maison&Objet durant lequel j’ai présenté Lavastone, une collection autour de la pierre de lave, m’a permis de me faire connaitre davantage auprès des maisons d’édition et de la presse également. Aujourd’hui, je ne cherche pas à être identifiée uniquement comme une designer de mobilier ou d’objets, j’aime l’idée de pouvoir intervenir sur des échelles multiples en fonction des demandes, des rencontres… sur des terrains créatifs variés : mobilier, objets, création de motifs, architecture d’intérieur, direction artistique, fresques… J’ai la chance de pouvoir choisir et me diversifier et ça c’est très important pour moi aujourd’hui de garder une certaine liberté.
Vous parlez de design féminin dans votre approche…
Oui c’est vrai que j’ai souvent parlé de design féminin sans pour autant vouloir m’enfermer dans cette « case ». Féminin sûrement par l’omniprésence des courbes, par le choix des couleurs, les lignes graphiques mais tout cela évolue au fil du temps.
French Design 100… Comment définiriez-vous la touche française du design ?
Premièrement, je trouve que nous avons beaucoup de chance en France car le design est vraiment soutenu et valorisé à tous les niveaux. Les écoles et les incubateurs se développent et permettent à une jeune génération de se lancer, il existe un vrai engouement. Même en Italie, qui est un pays historique en matière de design, les jeunes n’ont pas ces opportunités. La France a donc un rôle majeur à jouer à travers le monde. En tout cas, je suis très fière d’avoir été nommée par French Design 100, fière de faire rayonner la création française à l’international. L’art de la vivre à la française est reconnu partout et le design français inspire par son élégance, sa précision et son goût du travail bien fait.
La responsabilité environnementale est un enjeu majeur, comment l’intégrez-vous dans votre travail ?
C’est un sujet primordial effectivement aujourd’hui mais les contraintes restent nombreuses encore particulièrement au niveau des coûts. Mais des choses sont possibles évidemment et cela représente un vrai challenge. Il faut réfléchir à notre manière de concevoir et à l’impact futur, tout le cycle de vie de l’objet doit être envisagé et je pense que nous allons dans le bon sens. Faire changer les consciences et sensibiliser les acteurs demande du temps mais on avance.
Votre collaboration avec la maison d’édition française Noma…
Justement, Noma est un parfait exemple de conception responsable. Cela fait plusieurs années que nous collaborons ensemble autour d’objets et de mobilier fabriqués en matériaux recyclés. J’aime beaucoup l’approche de cette maison d’édition qui a été un précurseur dans cette démarche écoresponsable. Ensemble, nous avons imaginé LAIME, une collection que nous continuons à étoffer au fil du temps. Chaque projet avec Noma est vraiment très enrichissant et ce partenariat me permet aussi de faire évoluer mon regard sur la production.
J’ai lu que vous aviez fondé Hava avec une amie…
Hava a démarré après ma rencontre avec la journaliste Marie Farman qui avait écrit un article sur mon travail. Nous sommes devenues amies et avons décidé de fonder la marque. Hava est un espace de liberté et une association atypique et complémentaire qui valorise les savoir-faire, l’artisanat et la production raisonnée. Chacune d’entre nous apporte son expertise pour faire naitre des projets avec d’autres marques et institutions et les accompagner à travers le design d’objets. Nous avons par exemple travaillé avec le Louvre sur le développement d’une boutique à travers l’identité, la direction artistique, le choix des produits, les contenus…. et nous allons poursuivre cette collaboration avec le Louvre Abu Dhabi. Nous avons également édité des tabourets en bois brulé ou encore des miroirs en béton mis au point avec une start up sans oublier notre partenariat avec une céramiste du Luberon.
Vous êtes également retournée à l’école Camondo pour enseigner ?
Une journée par semaine, j’encadre et j’accompagne les projets des étudiants en cinquième année. Au début j’effectuais des remplacements puis je me suis prise au jeu jusqu’à intervenir tout au long de l’année aujourd’hui. Cette mission d’enseignement me permet d’apporter mon expérience à mon échelle auprès des futurs designers. C’est très intéressant de voir l’évolution de la formation et de les questionner sur le design de nos jours.
Vos projets pour les prochains mois ?
Fin février, j’ai participé à un appel d’offres pour la Villa Médicis sur la conception d’un mobilier, un projet qui m’a pris pas mal de temps. Je travaille également sur une collaboration avec la marque Lexon autour d’objets adaptés aux mobilité douces, sur un projet de canapé avec une marque coréenne, des motifs pour Christian Lacroix sans oublier les projets pour Hava et Noma qui se poursuivent.
