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Christophe PILLET : l’évolution du Design à travers les yeux d’un visionnaire

Ancien collaborateur de Philippe Starck à la fin des années 80 et créateur du showroom RBC d’Avignon, le designer français Christophe Pillet est aujourd’hui à la tête d’une agence de quinze personnes. Entre deux rendez-vous, celui qui vient d’achever cette année la rénovation de l’hôtel Pullman de la défense a trouvé le temps de nous éclairer sur ses activités et ses futurs projets.

Pour commencer, pouvez-vous nous retracer votre parcours ?
Je me suis intéressé au design alors que j’étais étudiant en Ecole d’Art à Nice, à la Villa Arson. Ce fut un peu le fruit du hasard à vrai dire car je n’étais pas prédestiné à une carrière de designer. De nature curieuse, je suis parti en direction de l’Italie au milieu des années 80 dans le but de rencontrer les grandes figures de la discipline. A l’époque, le mouvement Memphis mené par Ettore Sottsass prônait un nouveau design transalpin et je suis allé m’imprégner de cette atmosphère révolutionnaire et créative. J’ai passé quatre ans là-bas en tant qu’assistant avant de revenir à Paris en 1989. A partir de ce moment-là, vous avez collaboré avec Philippe Starck.

Christophe PILLET

Que retenez-vous de cette rencontre, de cette expérience ?
Dès mon retour en France, je me suis effectivement rapproché de Philippe Starck que j’avais déjà eu la chance de côtoyer auparavant. Je pensais passer un mois à ses côtés et je suis finalement resté cinq ans durant lesquels j’ai participé au développement de son agence. Ce fut une expérience un peu exceptionnelle car il était à l’époque considéré comme le maître du design en France, il était le leader incontesté dans son domaine. Nous travaillions énormément, près de 15h/ jour, mais avec beaucoup de plaisir et de passion, avec le sentiment de construire des choses nouvelles. Vous avez fondé votre agence en 1993.

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Quel regard portez-vous sur l’évolution de votre métier ces vingt dernières années ?
J’ai quitté le studio de Philippe Starck pour fonder le mien en 1993 effectivement. En l’espace de vingt ans, la profession de designer a énormément évolué. Autrefois, nous avions en quelque sorte droit à l’erreur mais aujourd’hui nous sommes plus dépendants des contraintes économiques. Notre rapport à la responsabilité a changé tout comme le rôle du design et ses enjeux. Il est devenu un moyen incontournable de différenciation pour les marques alors que ce n’était pas forcément le cas avant. Pour ma part, je dirais que je suis resté en territoire connu dans le sens où je ne me suis pas éloigné de ce que je faisais il y a vingt ans mais ma capacité à penser et écrire les projets est bien plus développée aujourd’hui, j’ai acquis une certaine maturité dans le savoir-faire.

Echo Table 1 CAROLINE KARENINE

J’ai lu dans votre biographie que vous aviez envisagé une carrière musicale. Quels liens tissez-vous avec vos activités aujourd’hui ?
Je suis un grand passionné de musique depuis toujours, elle m’inspire au quotidien et permet la mise en contexte. J’ai besoin d’écouter de la musique pour travailler et je la choisis de manière intuitive en fonction du projet. Parfois, j’ai besoin de sérénité, parfois de distance… et elle m’aide à y répondre Nombre de vos projets concernent la création de chaises, fauteuils et canapés.

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L’assise de manière générale est un champ d’intervention privilégié pour vous…
Je ne dirais pas que c‘est un champ d’intervention privilégié. La chaise demeure néanmoins un sujet très intéressant car elle a un statut particulier dans l’Histoire et dans le monde du design. Elle est à la fois un symbole de pouvoir et un passage obligé pour un designer. On considère parfois qu’il faut créer des chaises pour être reconnu en tant que tel, ce que je trouve assez bizarre. En tout état de cause, elle reste un terrain de jeu idéal car elle peut être imaginée de plein de manières différentes, en ayant toujours quatre pieds et un dossier.

Vous utilisez différents matériaux. Y en a-t-il un que vous appréciez travailler plus qu’un autre ?
Disons que je ne me pose pas la question comme cela. Les matériaux constituent selon moi des éléments de vocabulaire dont le choix intervient en fonction de l’histoire que je souhaite raconter et de l’expression vers laquelle je veux me diriger. Chaque matière a des caractéristiques qui lui sont propres et qui correspondent plus ou moins à la mise en œuvre d’un projet. La collection Rive Droite pour Ceccotti a été conçue en Noyer.

Le bois revient depuis quelques années dans l’univers du mobilier. Comment voyez-vous ce « grand retour ?
Je vois plutôt ça comme un flux de consommation dans l’immédiat, une tendance qui reflète les aspirations d’une société à un moment donné même si je n’aime pas trop ce terme. Il existe une sorte d’attachement culturel au bois en effet très utilisé à l’heure actuelle, mais il laissera naturellement sa place à un autre prochainement.

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Votre dernier projet d’aménagement intérieur est la rénovation de l’hôtel Pullman de la Défense. Quelles étaient les demandes du groupe ? Comment l’avez-vous abordé ?
A mon sens, il existe deux types d’hôtels : ceux faisant partie des grandes chaînes et les boutique-hôtels, plus petits et plus personnels. Le groupe Accor souhaitait que je trace les traits de caractère et forge l’identité de l’établissement à la manière de l’hôtel Sezz réalisé à Saint-Tropez par exemple. L’idée était de faire du sur mesure à plus grande échelle, jouer sur le visuel mais aussi sur l’émotionnel et la chaleur afin que le client se sente comme chez lui. Cela passe par le choix des matériaux, la mise en scène et l’éclairage.

Justement, créez-vous des meubles sur-mesure pour ces lieux ?
Oui, j’essaye toujours d’imaginer du mobilier pour chaque projet d’aménagement quand cela est possible. Ce fut par exemple le cas pour la chaise en aluminium brossé que j’ai dessinée pour l’hôtel Sezz et qui a été par la suite intégrée au catalogue de l’éditeur Emeco. Le prix du moule servant à la fabrication étant très élevé, il paraissait évident de commercialiser le produit par la suite. Par ailleurs, si une de mes créations de mobilier a les caractéristiques pour s’intégrer dans un de mes projets, je peux la proposer… mais je ne l’impose pas. Il m’arrive également de sélectionner une création d’un autre designer si j’estime qu’elle correspond à l’ambiance du lieu.

Votre métier vous mène régulièrement aux quatre coins du monde, notamment en GrandeBretagne, aux Etats-Unis et au Japon. Je suppose que vous abordez les projets différemment selon les pays, les cultures…
L’approche n’est pas radicalement différente selon le pays dans lequel je vais imaginer un projet. Je fais attention à ne pas faire du « faux local » mais je peux évidemment utiliser des matériaux locaux ou m’inspirer d’un parfum local. Je m’absorbe des cultures et des sensibilités de chaque endroit mais je conserve ma griffe personnelle. Avec le temps, j’ai par exemple appris à travailler avec la notion de vide au Japon ou avec l’Histoire aux Etats-Unis.

Vous avez participé à plusieurs projets d’architecture. Avez-vous l’intention de développer davantage cette activité à l’avenir?
J’ai débuté cette activité il y a cinq ans et j’ai bien l’intention de la développer dans les prochaines années. Les projets débutés au Maroc seront très prochainement finalisés et même s’il a fallu un certain temps pour les voir sortir de terre je ne suis pas découragé. L’architecture est une discipline à part entière qui impose une réflexion différente en matière d’échelle.

Votre agenda doit être bien rempli pour 2014. Pouvez-vous nous livrer quelques détails sur votre programme ?
Tout à fait, pas mal de projets sont actuellement en cours. Nous travaillons sur l’aménagement de boutiques et d’hôtels dont les futurs Pullman Roissy et Tour Eiffel ainsi que pour des établissements à l’étranger : notamment en Suède, en Espagne et en Suisse… Du côté du mobilier, de nombreuses pièces éditées chez des italiens, suédois ou américains seront présentées lors du prochain salon de Milan en avril.

Y a-t-il un type de projet particulier auquel vous aimeriez prendre part ?
C’est drôle car on me pose régulièrement cette question. En réalité, le type de projet est un peu secondaire. Je m’attache surtout aux rencontres que je peux faire, au projet global de chaque client. Comme je vous le disais je suis arrivé dans le métier un peu par hasard, et donc je n’ai pas défini de plan de carrière.

http://www.christophepillet.com/

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