Installé avec son équipe dans son atelier cabane au cœur de la forêt basque, Jean-Louis Iratzoki a placé le design industriel comme outil de développement des entreprises locales. Collaborateur privilégié d’Alki, ce créateur de meubles et objets, fonctionnels avant tout, nous livre ici sa vision du métier et ses projets pour son pays d’origine. Interview.
Bonjour Mr Iratzoki. Pour débuter, pouvez-vous nous retracer les grandes lignes de votre parcours ?
Je suis né à Ascain, petit village près de Saint Jean de Luz. Après avoir étudié à l’école Boulle en architecture intérieure je me suis spécialisé en design industriel à l’école expérimentale de Madrid. J’ai ensuite travaillé quelques années en agence sur Paris et au Brésil avant de revenir au Pays basque et d’y fonder en 1998 mon propre atelier de Design. Actuellement, je collabore de manière régulière tant au niveau du design produit que de la direction artistique avec sept ou huit entreprises locales.
Vous semblez avoir opté pour une approche différente de ce que l’on peut voir chez nombre de designers. Votre studio a été conçu comme un refuge niché dans la forêt et les projets avec les éditeurs italiens par exemple ne font pas partie de votre sphère. Vous privilégiez plutôt la « discrétion » et les entreprises locales avec lesquelles vous partagez votre savoir-faire, votre expérience…
Effectivement je considère que le design industriel est un véritable outil de transformation des entreprises, un travail de proximité qui se réalise dans la durée. Une réflexion profonde qui permet aux marques avec lesquelles nous travaillons de dérouler une histoire cohérente. J’ai fait le pari de révéler des entreprises locales et c’est pour moi un vrai plaisir de participer ainsi au développement économique du Pays basque. Cela ne m’empêche pas de collaborer avec des entreprises extérieures dont je partage les valeurs, comme actuellement au Portugal ou au Danemark.
Parmi elles, il y a Alki, structure avec laquelle vous entretenez une étroite collaboration depuis quelques années déjà. Comment est-elle née ?
Il s’agit d’une belle rencontre et d’un travail continu depuis plusieurs années. Alki est une coopérative, qui dispose d’un véritable savoir-faire dans le travail du bois et de la tapisserie. Un dirigeant courageux, Peio Uhalde, qui a vite compris que le design n’était pas une histoire de dessins mais bien de dessein. Nous avons ainsi pu installer le design au cœur de l’entreprise. Les valeurs de la marque ont été définies et l’ensemble du travail s’est déroulé autour d’elles.
Alki est fondamentalement ancrée dans le pays et la culture Basques…
Il est vrai que nous avons travaillé sur nous même pour accéder à quelque chose d’universel. Un exercice sur une certaine mémoire collective, une simplicité, une économie de moyens qui fait écho à la ruralité. Une recherche sur la continuité entre passé et futur. Ce qui est formidable c’est que ce travail empli d’affectivité est très bien ressenti à travers les quatre coins de la planète.
Vous avez lancé cette année Kuskoa Bi, première chaise du marché fabriquée en bioplastique. Comment cette assise est-elle née et pourquoi avoir opté pour ce matériau ?
Chez Alki il y a un travail d’ancrage que je viens de décrire qui nous sert de base pour nous projeter dans le futur. La mémoire est une des six valeurs de la marque, la préoccupation environnementale en est une autre. Ici nous avons fait le pari d’aller au-devant de la technique et d’associer le bois à une coque en matériau bio-plastique. Il s’agit pour nous de participer à la recherche de nouvelles voies de développement, en favorisant toujours l’éco conception.
Certaines de vos créations se démarquent par leur aspect pratique, modulable, par un détail fonctionnel qui fait la différence… Je pense à Zutik ou à Belharra entres autres. Cette recherche est-elle au centre de vos préoccupations ?
J’essaie de créer des objets avec lesquels il est possible de cohabiter au quotidien, qui soient pourvus d’une certaine discrétion, de normalité tout en étant fonctionnels. Une simplicité hyper travaillée. L’objet peut ainsi créer du lien avec l’utilisateur, susciter son estime. L’aspect pratique, modulable est très important pour moi et participe à ce supplément d’âme qui donne du plaisir à l’usage, qui donne envie de s’en servir… souvent.
Peut-on parler aujourd’hui de design Basque, d’une identité propre à la région en termes de création d’objets et de mobilier ?
Je ne pense pas que l’on puisse parler de design Basque de la même manière qu’il me paraît saugrenu de parler de design Français ou Hollandais. Ceci dit il y a une vitalité, une prise de conscience des entreprises de part et d’autre de la frontière en Pays Basque qui fait que l’on devrait assister à l’émergence de nombreux nouveaux projets.
Trois de vos créations ont reçu des Labels VIA il y a quelques jours dont la chaise Kuskoa… Contribuent-ils à la reconnaissance du savoir-faire Basque ?
Cela contribue à la promotion de cette activité sans aucun doute. Il faut dire que ces petites et moyennes entreprises que sont Retegui, Bosc, Alki et Treku méritent cette reconnaissance. Ce sont des entrepreneurs qui font le pari du design pour transformer leur entreprise et installer ainsi ces marques sur la scène internationale.
Que pouvez-vous nous dire sur vos futurs projets prévus pour les prochains mois ?
Nous sommes actuellement en pleine phase de création, retranchés dans notre cabane. Nous travaillons sur une dizaine de projets assez divers : chaise de bureau, objets pour la cuisine, canapé, fauteuil et autres meubles qui devraient voir le jour début 2016.
