Étoilé depuis 2018, Erwan Houssin, natif de Béziers et fils de bretons, dirige avec son épouse Pamela le restaurant Le Grand Cap à Leucate. Face au littoral audois, le chef et la pâtissière écrivent ensemble une partition gastronomique soignée autour des saveurs iodées. Une table de référence qui vaut le détour.
Votre parcours vous a mené chez différents étoilés dont le Meurice mais vous êtes arrivé en cuisine un peu par hasard…
Je ne me prédestinais pas du tout à cette carrière de chef puisque j’ai d’abord suivi une formation autour la faune sauvage puis un jour j’ai mis un pied dans l’univers de la cuisine, à l’Auberge de Combes à Lamalou-les-Bains. J’ai commencé par faire des saisons l’été à la plonge et petit à petit j’ai découvert cet univers. Mon patron de l’époque qui m’a transmis le «feu sacré» a fini par me convaincre de m’y mettre sérieusement donc j’ai repassé un BEP et un Bac Pro avant d’atterrir chez Franck Putelat avec qui j’ai fait l’ouverture de son restaurant. J’ai donc passé quatre ans à ses côtés et avec ma femme, également qui était sa cheffe pâtissière. Puis direction le Meurice à Paris où j’ai intégré la brigade de Yannick Alléno tandis que ma femme officiait au Bristol. On a ensuite travaillé à Saint-Tropez puis à Courchevel avant d’ouvrir notre premier restaurant à Avignon, le Diapason. On a racheté un fonds de commerce, entrepris pas mal de travaux avec nos petits moyens puis 14 mois après l’ouverture, on a reçu notre première étoile.
Puis vous avez ouvert le restaurant Le Grand Cap en 2016…
Exactement, on a saisi l’opportunité de racheter cet établissement en liquidation judiciaire. On a contacté le maire de Leucate, présenté notre projet et depuis 2016, nous sommes installés ici. On jouit depuis sept ans d’un emplacement exceptionnel et cette installation a demandé à nouveau beaucoup d’investissement pour reformer une équipe et affirmer notre identité culinaire. Il a fallu repartir de zéro après Avignon et puis nous avons été également récompensés d’un macaron en 2018. C’est une aventure très excitante au quotidien.
Vous le dirigez avec votre femme Pamela qui est cheffe pâtissière ?
Votre association facilite-t-elle la création des plats et menus…
Nous ne nous sommes jamais vraiment quittés durant nos carrières respectives. Évidemment, il existe une vraie complémentarité entre nous et les échanges sont permanents entre nous afin de conserver un fil conducteur dans la mise au point des plats et des menus. De l’apéritif à la dernière mignardise du repas, il faut une véritable continuité dans les propositions et ce travail à quatre mains nous le permet. Aujourd’hui, ma femme a une double casquette puisqu’en plus de gérer toute la production en pâtisserie, elle est présente en salle pour accueillir et conseiller nos clients.
Votre cuisine se définit principalement par les saveurs iodées et les mélanges terre-mer…
Tout à fait, le travail autour de l’iode est ce qui caractérise le mieux ma cuisine aujourd’hui. Je suis en permanence investi dans la recherche de nouvelles saveurs et associations iodées pour se plonger véritablement dans la Méditerranée. On propose d’ailleurs un menu 100% coquillages et crustacés. Au début, je travaillais beaucoup les mélanges terre-mer mais au fil du temps, je m’en éloigne un peu même si je conserve toujours une viande au menu car je reste un grand amoureux de la terre. Je dirais que j’essaye d’apporter une touche marine à la viande avec par exemple ce pigeonneau du Lauraguais, déniché chez un éleveur exceptionnel, que je travaille avec des anchois de Collioure.
Où sélectionnez-vous vos produits ?
Mon terrain de jeu s’étend uniquement sur les deux départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales. On a développé un super réseau de fournisseurs dans ce coin depuis notre arrivée et il faut dire qu’on y trouve des produits d’exception comme les huitres et les oursins par exemple. Chaque terroir a ses particularités et ses trésors et ici nous sommes servis. Je ramasse également toutes les herbes sauvages sur le plateau de Leucate et ses 1200 hectares. Il me suffit de sortir du restaurant et je me retrouve tout de suite en pleine nature, c’est une vraie chance.
Attendiez-vous quelque chose du dernier Guide Michelin ?
Rien de spécial honnêtement car j’étais assez confiant sur le fait de conserver cette première étoile. Nous avons mis du temps à créer notre formule, que ce soit en cuisine, en salle ou avec nos fournisseurs et nous en sommes fiers. Une étoile récompense le travail mais ça tient parfois à peu de choses et on travaille avant tout pour nos clients, pour qu’ils vivent une expérience singulière à notre table. L’essentiel est de trouver son identité et la faire évoluer et non pas de suivre des tendances. La cuisine est un don de soi et il faut y prendre du plaisir. A partir de ce moment-là, tout se déroule bien. Il faut aller à l’essentiel.
Quel est votre point de vue sur la responsabilité environnementale et comment cela se traduit-il dans votre quotidien de chef ?
Évidemment, tout le monde est concerné par la responsabilité environnementale et c’est le cas dans notre établissement. On s’attache au quotidien à limiter notre impact en réduisant l’utilisation du plastique et d’autres emballages inutiles. On collabore par exemple avec un producteur qui emballe les micro végétaux dans un papier recyclé plutôt que des barquettes, on utilise des caisses spéciales pour conserver le poisson, on évite également au maximum les cuissons sous vide, on filtre l’eau sur place…. Depuis l’année dernière, on cultive notre propre jardin sur 400 m2 avec des tomates, des herbes aromatiques et d’autres plantations prochainement.
Quels sont vos projets pour les prochains mois ?
On vient de finaliser l’achat de 5 hectares de vignes avec l’objectif futur de produire nos propres vins en collaboration avec un œnologue. On envisage de faire les vendanges avec l’équipe et de servir ensuite les vins au restaurant. On a déjà 800 références à la carte mais ce projet va marquer une nouvelle étape dans le développement du restaurant et l’affirmation de notre identité qui demeure notre priorité.
Le grand Cap * : Chemin du Phare à Leucate
www.restaurant-grand-cap.fr